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Notes d'Itinérances
21 mars 2017

Grèce antique (12/18). Le théâtre d’Epidaure et la médecine grecque

Le théâtre, activité thérapeutique – Mais d’où venaient tous les spectateurs ?

 

 

« Les étrangers, et en nombre incroyable, dès qu’ils rencontrent un Grec, semblent croire qu’il a personnellement bâti l’Acropole, qu’il a construit Delphes, qu’il a inventé le théâtre et la démocratie » [1].

 

Personnellement peut-être pas, mais chaque Grec n’est-il pas aussi dépositaire d’une part de cette culture particulière qui a inventé la démocratie et porté les arts à un haut niveau d’exigence ? Comme chaque Français est peu ou prou marqué par Les Lumières, la Révolution Française ou le développement du roman ?

 

Mais, qu’est-ce qu’un théâtre venait faire dans un hôpital de campagne ?

 

Le sanctuaire d’Asclépios à Epidaure était un haut lieu d’exercice de la médecine dans la Grèce antique. Les malades s'y rendaient pour y être guéris par la divinité ce qui, jusque-là, peut s’apparenter à l’organisation d’un pèlerinage à la grotte miraculeuse de Lourdes. La guérison reposait sur des pratiques magiques et religieuses : bain de purification, sacrifice, chant d’action de grâce, sommeil rituel. L’ensemble mêlait suggestion et mise en scène, comme quoi on n'a rien inventé depuis.

 

Mais cette phase était complétée par l’ordonnance de médicaments, supposée être dictée par le dieu. Il s’agissait de remèdes simples (cataplasmes, tisanes) mais aussi de conseils d'hygiène de vie, nécessité de faire de l'exercice (gymnastique, sport et promenade), de suivre un régime alimentaire. Les médecins grecs avaient compris qu’une bonne hygiène de vie participait à la santé corporelle et que sport, promenade, théâtre et distractions amélioraient l’état moral des patients. La raison d’être d’un théâtre, mais aussi d’un stade, dans cet hôpital était donc thérapeutique !

 

« Sans doute les médecins grecs étaient-ils plus efficaces que leurs lointains héritiers décriés par Molière, mais vu l'état de la science de leur temps ils ne pouvaient pas faire de miracle. En revanche, en liaison avec les urbanistes et responsables de l'administration des cités, ils devaient largement contribuer aux mesures d'hygiène publique, et c'est par là qu'ils étaient le plus utiles à la santé des populations » [2].

 

Le plus extraordinaire est que treize mille personnes se réunissaient ici pour écouter des tragédies, alors que la Grèce n’était qu’un ensemble de minuscules cités : Athènes, au temps de la ligue de Délos (Ve siècle), n’aurait compté que quarante mille citoyens, auxquels, il est vrai, il faudrait ajouter vingt mille métèques et deux cent à trois cent mille esclaves, mais ceux-ci ne participaient pas aux représentations théâtrales ! La population totale de la Grèce antique (continentale, sans l’Epire et la Macédoine) du Ve au IIIe siècle est estimée à 2 millions de personnes [3]. Les ports et les chemins devaient donc être bien fréquentés, et de fort loin, pour permettre de pareils rassemblements.

 

L'acoustique du théâtre est réputée. On peut distinguer jusqu'aux rangs supérieurs des gradins des propos chuchotés sur la scène. Lors de notre première visite, nous étions seuls dans le théâtre d’Epidaure sous la neige. Les rares touristes et les gardiens s’étaient réfugiés frileusement dans le musée pour essayer de se réchauffer. L’acoustique tant vantée de cet amphithéâtre était alors prise en défaut avec le mol édredon neigeux étalé sur les gradins !

 

Depuis 1954, le théâtre est le cadre d’un Festival renommé. Tous les vendredis et les samedis soir ont lieu des représentations des drames et des comédies d’Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Ménandre, mais aussi des spectacles lyriques. Maria Callas y a interprété « Norma » de Bellini en 1960 et  « Médée » de Cherubini en 1961 ; ce devait être magique ! En 2016, ont été représentés « Ploutos », « Les oiseaux » et « Lysistrate » d’Aristophane, « Oreste » d’Eschyle, « Antigone » et « Œdipe-roi » de Sophocle.

 


[1] Mélina Mercouri. « Je suis née grecque ». 1971.

[2] Alain Bresson. « Démographie grecque antique et modèles statistiques ». Revue « Informatique et Statistique dans les Sciences humaines XXI ». 1985.

[3] Salmon Pierre. « La population de la Grèce antique [Essai de démographie appliquée à l'Antiquité] ». In « Bulletin de l'Association Guillaume Budé : Lettres d'humanité ». n°18, décembre 1959.

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