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Notes d'Itinérances
15 mai 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (8/32). Quel cadre d’intervention avec le Burkina-Faso ?

Un cadre ? Quel cadre ?

 

 

Un des élément-clef de compréhension de la situation économique et sociale du Burkina-Faso, comme pour de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, c’est son taux d’expansion démographique. Si, en 1930, le pays comptait moins de trois millions d’habitants, en 1995 il en comprend près de neuf et il atteindra vraisemblablement les seize millions en 2020, soit un sextuplement de la population en seulement quatre-vingt-dix ans ! Le nombre de jeunes burkinabés à insérer chaque année dans la vie active va passer de deux cent mille en 1995, à plus du double en 2020 ! Or, il y a très peu d’emplois dans l’administration, pas plus que dans une industrie à l’état embryonnaire. c’est donc le secteur rural qui devrait participer à créer des emplois.

 

Parallèlement, la croissance urbaine s’accélère faisant passer le rapport entre le nombre d’habitants en ville et le nombre d’habitants à la campagne d’un rapport de 1 pour 55 en 1930, à 1 pour 3,5 en 1990. Pour maintenir le niveau d’autosuffisance alimentaire, il aurait fallu que chaque paysan triple quasiment ses productions entre 1960 et 1990 ! Or il n’en a rien été. Avec l’augmentation de la densité de population en milieu rural, les systèmes traditionnels de production agricole fondés sur des jachères naturelles de longue durée ne permettent plus la reconstitution de la fertilité des sols. Cela se traduit par une insuffisance de production agricole et un accroissement des importations céréalières d’origine étrangère. Une révolution des systèmes de production agricole est indispensable pour faire face aux besoins de nourriture et d’emplois. Et il faut que cette révolution respecte les équilibres écologiques pour préserver la richesse de la biodiversité et assurer un développement durable !

 

En conclusion de cette analyse [1], la formation professionnelle doit être un outil d’accompagnement de l’amélioration de la productivité en agriculture. Il ne s’agit plus de demander aux agricultrices et agriculteurs d’appliquer des solutions techniques toutes faites, jamais parfaitement adaptées à la diversité des situations comme cela a été fait par le passé. Ils doivent pouvoir accéder aux informations économiques et techniques pour analyser leur propre situation, tout en s’appuyant sur leurs connaissances pratiques, afin d’améliorer leurs productions, les emplois et leurs revenus. 

 

En Europe, la France possède une expérience particulière et originale en matière de formation professionnelle agricole et rurale, et ses établissements spécialisés peuvent participer à former des cadres nationaux susceptibles d’imaginer et mettre en place des dispositifs de formation professionnelle adaptés aux différents publics des zones rurales. Le Ministère français des Affaires étrangères soutient cette démarche et nous effectuons nos missions au Burkina-Faso à sa demande. Les services du ministère des Affaires étrangères en ont informé l’ambassade de France à Ouagadougou en leur demandant d’accueillir la mission et de nous préparer des contacts avec les autorités burkinabés concernées. Notre premier rendez-vous à Ouagadougou est donc naturellement réservé à l’ambassade pour y présenter les objectifs de notre travail et établir, avec le responsable agricole, un programme de rencontres avec les autorités burkinabés. Le planton, auprès duquel il nous faut montrer « patte blanche », nous apprend que le « responsable » est parti la veille au soir en France, c’est à dire par l’avion avec lequel nous sommes arrivés ! Nous nous sommes donc croisés à l’aéroport. Notre mission étant officielle, peut-être sa secrétaire est-elle au courant du programme ? Et bien non, elle se souvient bien d’avoir transmis le courrier, mais rien n’a été fait, ni prévu. Gênée, elle nous propose de rencontrer le conseiller sur les questions d’éducation. Pourquoi pas ? Ne sommes-nous pas venus pour travailler sur l’enseignement et la formation ? Le conseiller sur les questions d’éducation est un homme fort sympathique, charmant, très embarrassé de recevoir ces « missionnaires » pour lesquels rien n’a été préparé. Il nous écoute avec beaucoup d’attention, mais nous avoue ne pas s’occuper du secteur agricole et donc n’avoir aucune relation avec les responsables burkinabés de l’enseignement agricole. 

 

Heureusement, nous connaissons déjà la majorité des responsables burkinabés que nous avons rencontrés lors de missions précédentes, ou de séminaires internationaux sur le sujet, et nous avons pris la précaution de les contacter directement avant de partir. Bilan : s’il fallait compter sur les services de l’ambassade de France, nous serions quittes pour passer une dizaine de jours à bronzer autour de la piscine de l’hôtel aux frais de la République !

 


[1] Les éléments de cette analyse, formulés dès le début des années 90 par Pierre Debouvry, participent à mon avis à expliquer l’importance des flux de réfugiés économiques en provenance d’Afrique subsaharienne, comme la détérioration de la situation sécuritaire. Nous payons aujourd’hui le prix de l’incurie des politiques des pays occidentaux en matière d’aide au développement (2018).

 

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