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Notes d'Itinérances
12 août 2023

Ludovisi - En remontant la Via Veneto (3/10). La Via Vittorio Veneto et la Dolce Vita.

Une rue des hôtels de luxe devenue un symbole international

 

 

Après la fontaine des abeilles s’ouvre une grande avenue tracée lors du lotissement de cette zone, à partir de 1886, suite à l’expansion de la Rome devenue capitale de l’Italie (photo). Après 1918, elle fut dénommée « Vittorio Veneto » en l’honneur de la localité où les italiens combattirent victorieusement les troupes austro-hongroises et participèrent ainsi à la fin de la première guerre mondiale. 

 

« Via Veneto m’a toujours fait l’impression d’un fleuve tranquille qui coule à contre-courant, vers sa cime : elle a pour source la petite fontaine delle Api qui se trouve en bas à l’angle de la piazza Barberini, tandis que, là-haut à son embouchure, il y a le delta de la Porta Pinciana où son cours se divise en deux arches » [1].

 

De batailles sur la via Vittorio Veneto, il y en eu certainement dans les nombreux palaces qui la bordent (Imperiale, Majestic, Balestra, Ambassadeurs, Excelsior, Marriott-Flora…), mais généralement économiques et financières, feutrées, car on est ici (ou du moins, on était, dans la première moitié du XXe siècle) entre « gens du grand monde » ! Encore que… Le Grand Hotel Flora [2], au n°191, fut réquisitionné par la Wehrmacht qui y plaça le haut commandement de la Gestapo au deuxième étage où logeaient le président et les membres du tribunal de guerre ; le 19 décembre 1943, les Gruppi di Azione Patriottica y posèrent quatre bombes au rez-de-chaussée tuant plusieurs nazis.

 

Une autre bataille est restée célèbre, qui marque aussi l’évolution de la fréquentation de cette avenue. Elle oppose, dans le film « La dolce Vita » (1959), le journaliste Marcello (joué par Marcello Mastroianni) au fiancé (joué par Lex Barker, ex interprète de deux films de Tarzan) d’une star hollywoodienne de passage à Rome, Sylvia (jouée par Anita Ekeberg). Marcello est un journaliste et écrivain ratés qui traîne son ennui et son indécision dans une Rome crépusculaire de l'argent facile. La via Vittorio Veneto est ainsi devenue, pour le monde entier, le symbole de la « Dolce Vita », une vie superficielle, de fêtes et d’oisiveté. Un ancien Président de la République française, pourtant peu au fait des questions culturelles, a même fait référence à cette « Dolce Vita ». Mais avait-il vu le film pour autant ? On peut en douter car il ne semblait pas faire référence à la même « Dolce Vita ». On le voit mal traînant son ennui dans les boites de nuit et les bars et plongeant dans une fontaine publique en compagnie d’une célébrité ! En bas de la via Vittorio Veneto, côté gauche, la municipalité de Rome a fait apposer une plaque avec cette inscription : « A Federico Fellini, che fece di Via Veneto il teatro della Dolce Vita – SPQR 20 Gennaio 1995 » [3]. Toutefois le film n’a pas été tourné ici, mais sur le plateau n°5 de Cinecittà ! 

 

« J'ai inventé dans mon film une via Veneto qui n'existe pas du tout, que j'ai élargie et modifié, jusqu'à ce qu'elle prenne la dimension d'une fresque allégorique » [4].

 

Non seulement Fellini élargit la via Vittorio Veneto, mais il l’aplanit et la redresse car, en réalité, la rue est en pente et en forme de S pour atteindre le sommet de la colline du Pincio ! 

 

En 1960, le film a obtenu la Palme d'or au 13e festival de Cannes [5]. Une autre bataille fit alors rage. En Italie, le film est coupé par la censure, interdit aux mineurs de moins de 18 ans. Le journal du Vatican, « L'Osservatore Romano », publia plusieurs articles très violents contre le film, menaçant d'excommunication les catholiques qui iraient le voir ! Fellini racontait que, sur la porte de certaines églises, était écrit « Prions pour le salut de l'âme de Federico Fellini, pêcheur public ». L'interdiction de voir le film ne fut levée par l'Église qu'en 1994, quelques mois après la mort de Fellini. L’Église catholique était toutefois allée plus vite qu’avec Giordano Bruno. Il ne lui fallut que 34 années pour faire son autocritique, contre les 400 qui furent nécessaires pour ce pauvre Giordano.

 


[1] Marco Lodoli. « Iles – Guide vagabond de Rome ». 2005.

[2] Cecilia Cirinei. « Dalla Gestapo a Fellini un secolo di hotel Flora ». La Repubblica. 28/03/2007.

[3] « À Federico Fellini, qui a fait de la Via Veneto le théâtre de la Dolce Vita – SPQR 20 janvier 1995 ».

[4] Federico Fellini.

[5] Prix David di Donatello 1960, NYFCC Awards du meilleur film étranger 1961.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans Ludovisi

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