Campitelli - Le tour du Forum (15/25). Le Colisée et ses légionnaires (rione Celio).

Heurts entre centurions et police municipale

Son vrai nom est amphithéâtre Flavien [1] ! Construit en huit années, de 72 à 80, il s’appelle Colosseo parce que l’empereur Hadrien avait fait transporter à ses côtés, tirés par vingt-quatre éléphants, la statue de Néron précédemment située dans l’atrium de la Domus aurea : une œuvre colossale en bronze, 35 mètres de haut, soit les deux tiers de la hauteur de l’amphithéâtre (celle d’un immeuble de douze étages !). Les différentes classes sociales étaient séparées et chacun des 60 000 spectateurs gagnait sa place sans jamais croiser les autres catégories de public. Les fêtes d’inauguration de l’amphithéâtre durèrent cent jours pendant lesquels on aurait tué 5 000 animaux dans des chasses ou des combats : des oiseaux, des grues, quatre éléphants, des lions, des léopards, un tigre, des lièvres, des cochons, des taureaux, des ours, un sanglier, un rhinocéros, un buffle et un bison d’Europe… Dans cette liste étrange, il ne manque que les gladiateurs et les ratons-laveurs.

En 435 sont interdits les duels de gladiateurs, en 523 les combats de fauves, et la population de Rome fondant comme neige au soleil, le Colisée devint un lieu d’habitation, un cimetière, puis une forteresse médiévale. A la fin des guerres entre grandes familles romaines, il servit de carrière de pierres pour la construction de palais, d’églises et de basiliques. En 1749, Benoît XIV Lambertini (1740 / 1758) estimait que le Colisée était un lieu sacré car les premiers chrétiens y auraient été martyrisés, ce qui n’a jamais été prouvé. Il interdit donc l'utilisation du Colisée comme carrière et consacra l'édifice à la Passion du Christ en plantant une croix au milieu de l’arène. Hitler lors de sa visite à Rome, en 1938, jugea « qu’il faudrait le reconstruire et l’utiliser, mais qu’aujourd’hui, hélas, il fallait tenir compte des finances publiques » [2] ! Une remarque aussi absurde qu’étrange de la part d’un dictateur qui ruinera l’Allemagne et l’Europe.

Une année, nous avons la surprise d’être accueillis au pied du Colisée par des légionnaires romains qui ne semblent pas être en campagne n’ayant ni leur bouclier, ni leur pilum. Peut-être assurent-ils la sécurité générale de l’Urbs alors que le forum est envahi par les différents peuples de l’Empire, Celtes, Germains, Gaulois, Daces, Traces, Macédoniens, Lusitaniens, voire même Numides, ces derniers se livrant plutôt à du petit commerce de parures de fantaisies et de bimbeloterie. Mais Il semble qu’il y ait du relâchement dans la discipline de la Légion. Certains centurions, en ce jour de petites pluies éparses, ont adopté des chaussures fantaisistes à la place de leurs galigae de cuir clouté. Très serviables vis-à-vis des représentants de tous les peuples qui viennent porter leur tribut à la capitale de l’Empire, ils se prêtent volontiers à des séances de portrait. Est-ce un moyen d’arrondir leur solde de quelques sesterces ? Est-ce toléré par César ? L’Empire n’aurait-il plus les moyens d’entretenir son armée ? Eh bien non, ce n’est pas toléré par César et, en avril dernier [3], César s’est fâché. Il a envoyé sa police contrôler ces centurions qui ne disposent pas d’une licence les autorisant à exercer de petits boulots annexes. Le contrôle a dégénéré en bataille entre centurions et policiers. Les légionnaires n’auraient pas utilisé les règles stratégiques qui ont fait leur gloire mais seulement une bousculade agrémentée d’horions. L’échauffourée aurait fait un blessé léger parmi les légionnaires. Le maire de Rome, Gianni Alemanno, membre du « Peuple de la Liberté » du bateleur de foire Berlusconi, ex membre du parti fasciste Mouvement « Social » Italien, n’a rien voulu entendre. « Dura lex, sed lex » (La loi est dure, mais c’est la loi) aurait-il déclaré, en s’efforçant de paraître impérial, mais n’est pas César qui veut [4]. Il est vrai que ce Disneyland au pied du Colisée n’était pas très heureux, mais il aurait été plus judicieux de lutter contre les causes de la crise (spéculation, corruption, mafia, désindustrialisation) plutôt que de s’attaquer à ses victimes.

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[1] Billetterie avec u longuene file d’attente ! Prendre préalablement son billet en ligne ou aux billetteries de l’entrée du forum ou de l’entrée du Palatin.

[2] Ranuccio Bianchi Bandinelli. « Quelques jours avec Hitler et Mussolini ». 1995.

Enrico Caria. « Ranuccio Bianchi Bandinelli, l'uomo che non cambiò la Storia ». 2016.

[3] 2012. Depuis les légionnaires ont disparu… Sont-ils retournés dans leurs casernes ou sont-ils en campagne ?

[4] Gianni Alemano perdra les élections de 2013. Accusé de corruption, il avait été condamné en première instance à six ans d'emprisonnement en 2019, transformés en appel en un an et dix mois en 2022.

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades autour du Forum

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