Cuba, oriente (13/34). Un double marché monétaire !

Peso CUbano Convertible (CUC) et Cubano Peso (CUP) - Deux économies parallèles

A priori les touristes n’ont pas à se préoccuper de ce double marché monétaire n’ayant affaire qu’au marché où règnent les CUC ou « chavito ». Toutefois il arrive parfois, quand on s’éloigne de La Havane et des centres touristiques, d’être confronté à devoir payer en pesos cubanos. Ainsi, à Guantanamo, désirant déjeuner, nous avons repéré un restaurant de bonne présentation sur la place centrale. A la lecture, les prix de la carte apparaissaient un peu salés, parfois plus élevés qu’à La Havane. Mais, surprise, au moment de payer la note, le serveur refusait nos CUC exigeant des pesos cubanos ! Le jeune serveur était des plus honnêtes car, pour nous, il divisait ainsi la facture par 24 ! Le coût d’un repas passant ainsi de 9 euros à 40 centimes d’euros ! Dans le bar voisin où nous sommes allés prendre le café, celui-ci nous a coûté 1 peso cubano par personne, soit moins de 3 centimes. A la recherche d’un antibiotique, celui-ci nous a été délivré dans une pharmacie d’Etat pour quelques pesos cubanos. Et le tout, toujours avec le sourire !

Si les écarts de prix sont élevés entre CUC et CUP, ils le sont aussi parfois étrangement pour un même produit, dans une même chaîne d’hôtels. Ainsi, le prix du même plat, le poulet congris (le steak frites des Cubains) peut varier dans des rapports de 1 à 3 selon la ville. Est-ce fonction de l’éloignement avec La Havane ? Pas sûr. Sur la base de ces constats, les comparaisons entre pouvoirs d’achat des Cubains et des Européens deviennent des plus difficiles. Les revenus des Cubains nous paraissent ridicules, de 20 à 30 CUC par mois, soit de 16 à 24 € ! Convertis en pesos cubanos, cela représente de 400 à 600 pesos, qu’il faut comparer au prix du repas au restaurant par exemple, 40 centimes. Un salaire représenterait donc 4 000 repas en restaurant. Un SMIC français représente une centaine de repas. Mais, évidemment, ces comparaisons ne tiennent aucun compte de tous les produits qu’un Cubain devra se fournir sur le marché libre dont les prix sont libellés en CUC.

Or tous les Cubains n’ont pas un accès égal aux CUC. Guides, serveurs, ou chauffeurs de taxi y ont un accès privilégié. Il ne reste plus aux autres qu’à essayer de vendre des services aux touristes, souvenirs, repas ou chambre d’hôtes, ce qui sera d’autant plus facile que l’offre sera située dans une zone touristique. Pour une chambre d’hôte, le prix de celle-ci s’établit de 25 à 35 CUC ; à comparer avec le prix d’une nuit en chambre d’hôtel qui varie de 50 à 100 CUC, voire plus. La chambre d’hôte doit être déclarée et l’Etat prélève un impôt correspondant à 10% de la recette. Par exemple, un Cubain ayant reçu un appartement en héritage a réservé 3 chambres pour des hôtes. Il nous dit payer chaque mois 135 CUC à l’Etat. Sa recette moyenne devrait donc être de 1 350 CUC / mois, avec un taux d’occupation de 10 à 15 jours / mois pour chaque chambre. Même si l’on déduit ses frais (impôts, blanchissage), le revenu de son travail et de son investissement est très élevé au regard de la moyenne des Cubains.

Il existe donc un écart important, sinon un gouffre, entre ces deux secteurs économiques et leur rapprochement ne sera possible qu’à la condition d’élever fortement la productivité du travail, tout particulièrement dans le secteur d’Etat, administrations et entreprises.

« La bataille économique constitue de nos jours, plus que jamais, la tâche principale et le cœur même du travail idéologique des cadres, car c’est d’elle que dépend que notre système social se maintienne et perdure. Sans une économie solide et dynamique, sans élimination des dépenses superflues et du gaspillage, on ne pourra pas élever le niveau de vie de la population, on ne pourra pas maintenir et améliorer les niveaux déjà élevés des services gratuits garantis à toute la population en éducation et en santé » [1].

On peut imaginer que la convergence des taux de change s’effectuera par une réévaluation graduelle du peso cubain… Mais il faudrait améliorer les revenus de la grande masse des Cubains, ce qui passe nécessairement par l’amélioration de la productivité du travail !

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[1] Raùl Castro Ruz. « Allocution de clôture du IX^e Congrès de l’Union des Jeunes Communistes ». 4 avril 2010.

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