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Notes d'Itinérances
30 janvier 2023

Trastevere et Lungaretta (6/19). Une sculpture atypique, la Santa Cecilia de Stefano Maderno.

Une église défigurée - Mais une sculpture exceptionnelle

 

 

La partie la plus calme du Trastevere est celle située à l’Est, dans la courbe du Tibre. Par la Via dei Genovesi, on atteint la piazza Mercanti et l’église Santa Cecilia. Celle-ci aurait été fondée au Ve siècle, convertie en basilique par Pascal Ier (817 / 824) et dédiée en 820 à la martyre Cécile. La tradition veut que l'église soit construite sur l'emplacement de sa maison [1]. Issue d'une famille noble, très jeune, Cecilia aurait voué sa vie au Dieu des chrétiens en faisant notamment vœu de chasteté. A l’âge de se marier, ses parents lui choisissent pour époux un païen, Valérien. Au soir de son mariage, elle lui demande de respecter sa virginité et de se convertir lui-même, ce qu’il fait. Lors des persécutions contre les chrétiens, son mari est arrêté puis exécuté. Dénoncée comme chrétienne, elle est arrêtée et condamnée à être décapitée. Après trois tentatives du bourreau pour la décapiter à l’épée, elle est laissée à l’agonie, la loi romaine interdisant un quatrième coup.

 

En 822, le pape Pascal Ier fait reconstruire l’église sur un plan basilical en utilisant des colonnes romaines antiques et y fait déposer les reliques de la sainte jusqu’alors conservées dans les catacombes de Saint-Calixte. L’église est précédée d’une agréable cour intérieure décorée avec d'anciennes mosaïques, des colonnes et, en son centre, une fontaine ornée d'un grand vase romain de marbre [2]. Une nouvelle façade est érigée en 1725, d’une grande simplicité agrémentée de deux volutes rappelant le style baroque alors finissant. En avant, un propylée composé de colonnes antiques annonce le style néo-classique. L’intérieur a été profondément remanié en 1823 : plafond surbaissé, colonnes de la nef enfermées dans de massifs piliers carrés, décoration néoclassique, bref, une horreur. Heureusement, l'abside au-dessus du chœur a conservé sa décoration du IXe siècle, une mosaïque sur le thème du retour de Christ sur terre, très semblable à celle de Sainte-Praxède. Enfin, devant l’autel, est positionnée la remarquable sculpture de Stefano Maderno (1576 / 1636) qui a représenté le corps de la sainte tel qu’il l’a vu lors des fouilles effectuées en 1599 en préparation de l’année sainte 1600 (photo). La sainte est couchée sur le côté droit, les deux bras abandonnés devant elle, le visage, non visible, tourné vers le sol, le voile qu’elle porte sur la tête et la tunique dégagent le cou sur lequel sont marqués les trois coups d’épée. Sur une plaque de marbre rouge est inscrite la déclaration de Maderno selon laquelle il a reproduit la disposition du corps telle qu’il l’avait vue. 

 

« Cette statue sans visage allie la beauté et le mystère, une masse stupéfiante jetée au sol et néanmoins célestement harmonieuse. Peu de visiteurs s’attardent devant l’autel, mais celui qui s’arrête devant cette forme envoutante reste longuement subjugué. Ce marbre entortillé sur lui-même fascine, enroule dans des méandres insoupçonnés, dans une lancinante sérénité » [3].

 

La statue, exécutée en 1600, est assez extraordinaire car elle rompt avec une tradition d’idéalisation des corps et des attitudes des saints tels qu’ils étaient représentés à la Renaissance. Bien que représentant un cadavre, la posture du corps, des membres et la tête tournée donnent une dynamique à la statue sans avoir à recourir aux attitudes exagérées du maniérisme [4]. On peut juger qu’elle clôt une époque de la statuaire, celle de la Renaissance, et qu’elle annonce celle du baroque ?

 

Sur la place, en face de la basilique, la maison-tour di Fieramosca avec, au rez-de-chaussée, des colonnes antiques reliées par des arcs en briques, date de la seconde moitié du XIIIe siècle. Le condottiere Ettore Fieramosca, vainqueur du tournoi de Barletta, y aurait vécu [5], mais cette attribution proviendrait d'une scène d’un roman de Massimo D'Azeglio. Le bâtiment appartenait à l'Ordre des Humiliés qui, au XIVe siècle, s'installa dans le couvent annexé à Santa Cecilia. L’ordre voulait vivre à la manière de l'Église primitive en poursuivant l’idéal de pauvreté du Christ et des Apôtres.

 


[1].Site Roman Churches. « Santa Cecilia in Trastevere ».

[2] L’ancien baptistère de l'église et les ruines de maisons romaines furent retrouvées sous la chapelle des Reliques et peuvent se visiter

[3] Marco Lodoli. « Nouvelles îles – Guide vagabond de Rome ». 2014.

[4] Adma Muhana. « Ecfrase de Santa Cecília ». In « Sigila ». Vol. 25, n°1. 2010.

[5] Le défi de Barletta est un tournoi de chevalerie qui s'est déroulé le 13 février 1503 entre 13 chevaliers italiens et 13 chevaliers français à la suite de propos dénigrant la valeur des Italiens injustement accusés de trahison.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur l'île Tibérine et le Trastevere

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