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Notes d'Itinérances
6 août 2018

Iran - Visiter l'Iran (13/15). Un nœud de contradictions, pas seulement pour l’Iran !

La suspension de l’accord nucléaire, l’aveu involontaire de la baisse de la puissance américaine ?

 

 

Quels sont les effets des sanctions sur l’Iran et sa population ? Vont-elles inciter les dirigeants iraniens à changer de politique et à accepter les injonctions d’un autre Tartuffe, à savoir l’arrêt de « son soutien aux organisations terroristes » et l’arrêt de son programme nucléaire ? Les sanctions frappant au final la population, celle-ci va-t-elle faire pression sur ses dirigeants pour qu’ils changent de politique, voire que la population, excédée par les difficultés, se débarrasse de ce gouvernement pour en imposer un autre plus conciliant aux exigences américaines ?

 

Les sanctions mises en œuvre par le passé ont effectivement eu un impact sur le développement de l’Iran. Elles ont ralenti la réalisation des investissements et diminué la qualité des productions qui pouvaient être facilitées grâce aux technologies maîtrisées par les entreprises internationales (exemple, les 206 Peugeot montées avec des pièces chinoises ou de contrefaçon). Elles ont freiné les exportations de l’Iran, notamment de pétrole, et donc limité les dépenses de l’État (investissements en infrastructures, dépenses de la fonction publique, aides sociales). Elles ont également freiné les importations de produits étrangers rendant plus difficile l’accès à certains biens de consommation ou de haute technologie, voire elles renchérissent leur coût par leur introduction en contrebande ou des circuits commerciaux plus longs. Avec la dégradation de la monnaie nationale, tous ces éléments renchérissent les prix sur le marché intérieur iranien [1]. Au final, l’embargo rend la vie plus difficile pour les couches sociales les plus fragiles (agriculteurs, ouvriers, artisans, femmes et jeunes). La levée de sanctions était un espoir de mieux vivre pour la société iranienne.

 

Les nouvelles sanctions décidées par les États-Unis risquent de ralentir la réalisation des investissements qui ont été planifiés en Iran (autoroutes, voies ferrées, aéroports et flottes aériennes) et de rendre la vie plus difficile pour une large partie de la population. Mais ce n’est pas nécessairement quand on a du mal à vivre que les populations s’engagent dans la révolte, sauf si cela devient insupportable. Par les petits boulots, les familles cherchent d’abord à maintenir comme elles le peuvent leur niveau de vie. Enfin, par fierté nationale et volonté d’indépendance, la population peut, au contraire, resserrer les liens derrière un gouvernement qu’elle critique. Nul doute que c’est un phénomène que les conservateurs iraniens vont essayer de développer ; au lendemain de la décision américaine ils n’ont d’ailleurs pas manqué de critiquer le gouvernement de Rohani. A contrario, les entreprises étatiques et semi-étatiques (notamment celles des Gardiens de la Révolution) peuvent en profiter par les importations de marchandises par des canaux plus ou moins officiels. Conclusion : avec le retour des sanctions, on court le risque d’une radicalisation conservatrice en Iran !

 

Enfin, et ce n’est pas la moindre des contradictions, les sanctions économiques laissent le champ libre à la Chine pour développer ses flux d’échange avec l’Iran, le gouvernement et les entreprises chinoises étant peu sensibles aux menaces américaines. En 2017, la Chine est déjà le premier client de la République islamique et avec 13% des importations, la Chine est le second fournisseur de l’Iran. L'Inde a également fait savoir qu'elle continuerait à commercer avec ses partenaires, rejetant « la pression d'autres pays » sur sa politique extérieure. Les menaces américaines risquent donc plutôt d’affaiblir la présence américaine par l’implantation de ses concurrents dans cette partie du monde et de développer l’utilisation de l’euro et du yuan dans les transactions internationales au dépend du dollar ! Le Président américain serait-il donc obligé de parler plus fort parce qu’il n’a plus un gros bâton [2], même s’il possède un gros bouton [3] ? Et, si l’histoire retient le nom de Trump, ce sera parce que cette présidence a mis en évidence la perte du leadership mondial américain. Voyager en Iran, outre admirer des paysages et des sites remarquables, c’est aussi l’occasion de découvrir quelques contradictions nous concernant directement !

 

Senlis / Rocchetta a Volturno, mai / juin 2018.

 


[1] Le Monde. « L’économie iranienne déstabilisée par le retour des sanctions américaines ». 6 juin 2018.

[2] Le 2 septembre 1901, Théodore Roosevelt a emprunté le concept de « gros bâton » en matière de politique extérieure des États-Unis à un proverbe africain : « Parle doucement et porte un gros bâton ».

[3] Le 2 janvier 2018, Donald Trump a affirmé avoir un bouton nucléaire « plus gros » que celui de Kim Jong-un.

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