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Notes d'Itinérances
27 mai 2019

Chronique burkinabée - 1990 / 2005 (14/32). L’empereur des Mossis, le Moro-Naba.

Le Moro-Naba - Un empereur respecté - Sans Etat, ni administration 

 

 

« Histoire je conte
l’Afrique qui a pour armes
ses poings nus son antique sagesse sa raison toute nouvelle » [1].

 

Le « Moro-Naba », ou « Mohro-Naba », ou encore « Mogho-Naba », ou même « Moogo-Naaba », est le souverain du royaume mossi de Wogodogo, fondé vers la fin du XVe siècle. 

 

L’empereur actuel des Mossis s’appelle « Baongho II » (l’eau), source de vie. Trente-sixième du nom, descendant de Ouédraogo, ou Wedraogo, ou Ouidiraogo, fondateur de la lignée, lui-même fils de la princesse Niennega, ou « Svelte gracieuse », amazone intrépide, fille du roi des Dagombas, au nord Ghana, et de Riyallé, prince mandingue [2]. Il est traditionnellement choisi par les hauts dignitaires de la cour dans la descendance de Ouédraogo.

 

Représentant du soleil, Demi-Dieu, Roi de l’Univers, Roi des Rois, il détient les clefs du pouvoir sacré et des sciences secrètes de la terre. C’est un chef respecté des Mossis [3].

 

 « Sa vie est réglée par un protocole minutieux et sévère, des rites étroits dont il est lui-même le premier esclave » [4].

 

Il ne doit pas toucher le sol de ses pieds nus, il ne s’adresse pas directement aux personnes et parle à travers le Widi Naba (littéralement le commandant de la cavalerie impériale) et son premier ministre, il ne peut pas serrer la main d’un étranger. « Le Mogho-Naba « Wobogo », l’éléphant, a préféré mourir en exil au Ghana plutôt que de serrer la main d’un blanc » [5]. De fait, le Moro-Naba Wogbo a essayé de résister à l’invasion française en s’appuyant sur les Anglais, mais contraint de renoncer à son royaume en 1897, après la signature d’un traité de protectorat, les Français n’ont pas dû lui laisser d’autres choix que l’exil dans une colonie britannique !

 

Le palais du Moro-Naba à Ouagadougou ressemble à une grosse maison coloniale du début du siècle. Certainement un cadeau de l’Empire français pour bons et loyaux services ?

 

Le père de Baongho II, s’appelait « Kougri » (la pierre, parce qu’elle est difficile à déplacer). En 1958, le Moro-Naba Kougri a souhaité imposer à la Haute-Volta (nom du Burkina-Faso au temps de la colonisation française) une monarchie constitutionnelle. Il réunit son gouvernement traditionnel et obtint de ses ministres l'autorisation d'assiéger avec des guerriers l'Assemblée Territoriale. Le matin du 17 octobre 1958, 3 000 de ses partisans cernèrent l'enceinte du palais de l'Assemblée Territoriale, mais celle-ci vota une motion de condamnation de l’initiative du Moro-Naba. La manifestation durera jusqu'à 11 heures, heure à laquelle l'armée française interviendra pour disperser la foule. Le lendemain, l’assemblée des Chefs déplora l’initiative du Moro-Naba et réaffirma sa volonté de coopération avec les autorités élues. Le coup de force du Moro-Naba Kougri pour créer une monarchie constitutionnelle en Haute-Volta avait échoué. Le Moro-Naba Kougri est mort le 8 décembre 1982.

 

Dans sa lutte révolutionnaire pour plus de justice sociale, le nouveau Président de la République, le capitaine Thomas Sankara, avait essayé de briser les pouvoirs des anciens et des chefs, qu’il considérait comme des seigneurs féodaux, en donnant un pouvoir étendu aux milices locales. Thomas Sankara avait également menacé de faire passer le Moro-Naba en tribunal pour corruption celui-ci refusant de payer ses factures d’eau, d’électricité et de téléphone arguant qu’il était de tradition qu’elles soient prises en charge par l’Etat. Le Gouvernement avait dès lors cessé de payer une partie des dépenses du Moro-Naba.

 


[1] Aimé Césaire. « Ferrements - Le temps de la liberté ». 1960.

[2] Amadou Hampâté Bâ. « Oui mon commandant ! ». 1994.

[3] En 2015, le Moro-Naba Baongho II a notamment joué un rôle de médiateur au cours de la crise politique burkinabé en étant un médiateur entre les Forces Armées Nationales (FAN) du Burkina et le Régiment de Sécurité Présidentielle (RSP) après la tentative de coup d’Etat de ce dernier (note de 2018). 

[4] Ministère de la Guerre. « Manuel à l'usage des troupes employées outre-mer ». 1927.

[5] Daniel Laine. « Rois d'Afrique ». 1991.

 

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