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Notes d'Itinérances
17 novembre 2023

Le baroque au nord du Portugal (4/7). L’exubérance de l’ornementation intérieure et les azulejos.

Des carreaux de faïence blanche, émaillés puis peints

 

 

Au Portugal, la richesse de la décoration est également obtenue par l’utilisation des azulejos, ces faïences bleues et blanches. Un azulejo désigne, au Portugal, en Espagne et au Brésil, un carreau ou un ensemble de carreaux de faïence décorés, ornés de motifs géométriques ou de représentations figuratives. On les trouve aussi bien à l'intérieur des bâtiments qu'en revêtement extérieur de façade. Le terme « azulejo » vient du mot arabe « al-zuleij » qui signifierait « pierre polie » [1]. Il s’agit de carreaux émaillés utilisés par les musulmans pour décorer les sols et les murs. La technique de la faïence a été découverte au IXe siècle en Perse et Mésopotamie, c’est une poterie tendre et poreuse recouverte d'un enduit imperméable (par exemple, oxydes de plomb et d'étain). 

 

Cette faïence blanche peut-être décorée avec de la peinture mais le décor sur émail cru n'admet que des couleurs capables de supporter la température de cuisson, dite de grand feu (env. 750 à 900 degrés), nécessaire au durcissement de l’émail : le vert (tiré de l'oxyde de cuivre), le violet (de l'oxyde de manganèse) et le bleu (de l'oxyde de cobalt), le jaune (de l'antimoine). Cette technique s’est propagée rapidement dans le monde arabe (dont le sud de l’Espagne) puis, à la Renaissance, dans les pays d’Europe. 

 

Les azulejos sont introduits au Portugal au XVe siècle par l’intermédiaire de l’Espagne, et donc une date ultérieure à la fin de la présence musulmane sur le territoire du Portugal (1267). C’est au début du XVIe siècle que le roi Manuel Ier (1469 / 1521) fait importer les premiers azulejos d'Espagne afin d'en recouvrir les murs du palais qu'il se fait reconstruire à Sintra. La fabrication à Lisbonne des azulejos en faïence est apparue vers 1560 et les couleurs utilisées étaient alors le bleu, le jaune, le vert et le blanc. 

 

A partir du XVIIe siècle se développe en Europe la technique du décor sur émail préalablement cuit. Le décor sur émail cuit est ensuite fixé à l'aide d'un fondant au cours d'une seconde cuisson à moindre température, dite cuisson au petit feu. Cette technique permet de peindre sur les carreaux comme sur un tableau, elle autorise une palette plus étendue et plus nuancée (bleu, jaune clair, jaune foncé, vert, brun, blanc, noir, violet), comportant toute la gamme des roses tendres et des rouges vifs tirés de l'or (pourpre de Cassius) et l'application de dorures. 

 

Au milieu du XVIIe siècle, les Hollandais reproduisent les faïences chinoises et s'orientent vers des carreaux de faïence aux dominantes bleues et blanches (faïences de Delft). Les Portugais commandent alors les azulejos aux Hollandais pour leurs palais et leurs églises. Par exemple, au Couvent Madre de Deus à Lisbonne (Igreja do Convento da Madre de Deus), deux tableaux d'azulejos hollandais ont été installés entre 1686 et 1707, un panneau représentant Jéhovah appelant Moïse par Willem van der Kloet, et une scène champêtre et une vue de palais, peinte par Jan van Oort. 

 

A la fin du XVIIIe siècle, après le terrible tremblement de terre de Lisbonne (1755), les Portugais décident d’utiliser la technique des azulejos pour décorer les façades des immeubles du nouveau quartier de leur capitale, Baixa. Ce choix est notamment dû au faible coût de fabrication des carreaux de faïences, mais aussi à leurs caractéristiques techniques, imperméabilité et isolation thermique et à leurs qualités hygiéniques. L'art des Azulejos est alors à son apogée, la maîtrise des peintres d'azulejos est telle qu'ils signent leurs créations. Progressivement, une partie des bâtiments plus anciens sera décoré avec des tableaux d’azulejos.

 

A l’extérieur, elles peuvent couvrir totalement façades et murs latéraux de carreaux alternativement bleus et blancs (Palácio do Raio et église São João de Souto à Braga) ou représenter de grandes scènes religieuses composées de décors bleus sur fond blanc (façade de São Ildefonso à Porto où les espaces disponibles entre pilastres et entablements sont recouverts d’azulejos, ou mur latéral de l’Igreja dos Carmelitas à Porto recouvert d’une vaste fresque). A l’intérieur, les azulejos recouvrent les murs de la Sé de Porto (photo) ou la totalité des murs de Nossa Senhora do Pópulo de Braga en représentant des épisodes de la vie de saint Augustin.

 


[1] Les « zelliges » marocains, une mosaïque de petits morceaux de faïence colorés recouvrant sols et murs ont la même étymologie que les azulejos.

 

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