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Notes d'Itinérances
13 octobre 2023

Pigna - Entre les places de Venise et de Minerve (3/23). Un palais de Venise à deux faces.

Un palais de Venise dont l'histoire recoupe celle de l'Italie - Façade et cour intérieure

 

 

« En arrivant sur la place voisine, la vue est frappée par l’aspect d’une sorte de forteresse ; c’est le palais de Venise ; il fut bâti en 1468, avec des pierres du Colisée » [1].

 

Le palais de Venise est l'un des premiers édifices civils construits à la Renaissance par un prélat. Édifié pour Paul II Barbo (1464 / 1471), après son élection au trône papal, il en fit ensuite sa résidence pontificale et le portail affiche encore ses armes.

 

« (…) vous n’oublierez pas de ne point entrer au palais Saint-Marc, car c’est un vieux vilain logement tout à fait indigne de recevoir un procureur général du roi, quoique le roi y ait habité lui-même. Il fallait que Rome fût encore une vilaine ville, au quinzième siècle, puisque l’on n’eut pas de plus belle habitation à donner à Charles VIII, lorsqu’il y fit son entrée triomphale » [2].

 

Voilà un jugement bien sévère ! L’édifice, dû à Francesco del Borgo, donne à Rome un magnifique palais avec cour intérieure. C’est encore un palais au caractère médiéval : massif, avec un haut soubassement, des fenêtres à meneaux, une tour d’angle, un couronnement à créneaux. La cour intérieure est charmante, de style Renaissance, avec une colonnade surmontée d'une loggia, la superposition des ordres doriques et ioniques, et ses grands palmiers qui semblent concurrencer les colonnes « à l’antique » (photo). Il faut entrer pour aller voir le remarquable escalier Renaissance. Cette citation est aussi l’occasion de se souvenir des invasions de Rome par la France. Il y eut certes les troupes de la République en 1798, puis en 1849, mais il ne faut pas oublier Charles VIII, en 1494, qui ouvrit le cycle infernal des onze guerres d’Italie (1494 / 1559) au prétexte qu’il avait quelques droits sur le royaume de Naples. Guerres qui ravagèrent le Piémont, la Lombardie, la Toscane, Naples, mais aussi la Picardie, les Flandres et Rome avec le sac de 1527 par les troupes de Charles Quint. Les Français n’ont pas toujours laissé que de bons souvenirs !

 

En 1564, Pie IV Médicis (1559 / 1564) céda la propriété du palais à la République de Venise pour y installer le siège de son ambassade, d’où son nom. Il le resta jusqu’en 1797, date à laquelle prit fin une république vieille de onze siècles, suite à sa conquête par les troupes de la République française. En 1806, le Palais de Venise accueillit le siège de l'administration françaiseà Rome et, après le Congrès de Vienne, qui avait attribué le territoire de Venise aux Habsbourg, il devint l’ambassade de l’Empire austro-hongrois jusqu’à sa disparition en 1917. Il connut ensuite des heures sombres en hébergeant le Grand Conseil Fasciste à partir de 1929 et le bureau du Duce dans la salle des Mappemondes [3]. Par démagogie populiste, les lumières de son bureau restaient constamment allumées, signifiant que le Duce veillait constamment sur son peuple lequel pouvait dormir sur ses deux oreilles. Le 20 avril 2009, lors d’un spectacle fêtant l’anniversaire de la fondation de Rome par Romulus (753 av J.C), des images de Mussolini déclarant la guerre du balcon du palais, en 1941, ont été projetées sur les murs du marché de Trajan ! Le maire de Rome était alors Gianni Alemanno [4], un ancien fasciste du Mouvement Social Italien, passé par réalisme au parti conservateur « Alliance Nationale », mais manifestement toujours nostalgique de la période mussolinienne.

 

Le Musée National du Palais de Venise [5], créé en 1921, accueille des peintures des XVe au XVIIIe siècles, des miniatures, des sculptures sur bois italiennes et allemandes, des marbres du Moyen Age et de la Renaissance. Il s’agit de pièces issues notamment de la donation faite à l’Italie, en 1933, par Henriette Wurst, une riche collectionneuse américaine [6].

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829. C’était un temps d’avant le monstre « Vittoriano » !

[2] Charles De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

[3] En 2010, lors de travaux, il a été redécouvert, sous le palais, un bunker souterrain de neuf pièces, aux murs de deux mètres d’épaisseur, construit en 1942, et accessible par des galeries datant de l’antiquité.

[4] Maire de 2008 à 2013. Condamné en 2019 à 6 ans de prison pour corruption dans le scandale Mafia-Capitale.

[5] Via del Plebiscito, n°118En 2020, il est intégré, avec le Vittoriano, dans un nouvel institut du ministère de la Culture. Ses billets donnent droit à la visite du Vittoriano et son musée.

[6] Andreina Draghi. « George e Henriette Wurts : La seduzione del mito Italia ». In « Storie di abiti e merletti: Incontri al museo sull’arte e il restauro del pizzo ».2014.

 

Liste des promenades dans Rome. et Liste des articles sur le rione de Pigna

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