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Notes d'Itinérances
11 octobre 2023

Pigna - Entre les places de Venise et de Minerve (2/23). La place de Venise.

Une place massacrée par un urbanisme de la monumentalité

 

 

 

[1]          La piazza Venezia était autrefois de taille très modeste mais les modifications des XIXe et XXe siècles modifièrent sa structure (plan). Avec la construction du Vittoriano au sud, entre 1885 et 1911, sur les contreforts du Capitole, Il fallait que ce nouveau monument ferme la perspective du Corso dans une geste architecturale grandiose afin de célébrer la « Nouvelle Rome », la « troisième Rome », celle du Risorgimento, après la Rome antique, et la Rome papale de la Renaissance et du Baroque [2]. Si le palais de Venise, à l’ouest, a été conservé, le Palazetto di Venezia, au sud, un bâtiment Renaissance, anciennement siège diplomatique de la République de Venise, fut démonté, brique à brique, et remonté une centaine de mètres plus loin, vers l’ouest, en changeant sa forme de trapèze en carré (flèche rouge) !

 

En face du palais de Venise, de l’autre côté de la place, à l’est, un succédané début de siècle (le XXe s’entend) d’un palais gothique, construit par les Assicurazioni Generali (les Assurances Générales vénitiennes) abrite aujourd’hui la Banque Paribas. Par sa forme, comme par ses éléments architecturaux, le bâtiment s’efforce de copier le palais de Venise, en plus régulier, en plus décoré, en plus « gothique », donc en plus lourd ! Le bâtiment ne mériterait aucune mention si, hélas, il n’avait été construit à l’emplacement de remarquables palais anciens, Bolognetti et Torlonia, et d’un des ateliers de Michel-Ange que l’on détruisit à cette occasion.

 

« (Palais) Torlonia, sur la place de Venise, brillant de toutes les belles choses qu’a pu rassembler un vendeur de rubans de fil devenu le plus riche banquier de Rome » [3].

 

Puis le fascisme inventera un nouvel urbanisme, celui du vide ! Les monuments ne seront plus que des accessoires, l’important sera l’espace nécessaire à l’organisation de vastes mouvements de foules, ou de troupes. Le fascisme finira le nettoyage par le vide en démolissant tous les quartiers anciens situés autour du Capitole avec, à l’est, le percement de la via dell Impero (de l'Empire, actuellement voie des forums impériaux) et, à l’ouest, de la via della Mare (actuellement du via del Teatro di Marcello). 

 

A l’angle de la place de Venise et du Corso, c’est à dire à l’un des endroits les plus fréquentés de Rome, se dresse le palais Bonaparte, célèbre pour avoir accueilli la mère de l’empereur, Laetitia Bonaparte [4]. Elle acheta ce palais en 1818 après avoir vendu ses propriétés françaises et y passa les dernières années de sa vie. Le palais avait appartenu à la famille d'Aste qui en avait commandé la construction à l'architecte Giovanni Antonio De Rossi en 1658. Le palais fut proposé à Laetitia par son banquier, le Duc Giovanni Torlonia, parce qu’il n’était pas excessivement grand tout en restant distingué et digne [5]. Mme Mère occupait l’étage noble, le deuxième étage étant mis à la disposition des parents qui venaient lui rendre visite. Il subit quelques modifications, cheminées néoclassiques, frises, peintures et grotesques. Le palais possède un balcon d’angle, couvert, peint en vert et aux persiennes de bois. A l’intérieur, il est peint d’élégants motifs de grotesques. C’est un « bussolotto » (ou mignano), une véranda fermée par des volets faisant penser aux moucharabieh des pays arabes. Ces bussolotti étaient appréciés pour regarder les processions du carnaval et la course de chevaux. Presque tous les palais de la Via del Corso en possédaient alors un. Après l’interdiction de la course, en 1878, les bussolotti ont été démolis ; seul reste celui du Palais Bonaparte. Derrière ses persiennes, Laetitia Bonaparte observait les allées et venues des Romains. Devenue aveugle, Madame Mère se faisait décrire la circulation par sa dame d’Honneur, mademoiselle Rosa Mellini, demandant si les passants levaient les yeux vers le balcon de la maison de la mère de l'empereur. Elle y mourut en 1836.

 


[1] The Interactive Nolli Map Website 2.0. University of Oregon. 2005 / 2020. En grisé sont indiqués les bâtiments anciens démolis, en marron les bâtiments actuellement existants, anciens ou nouveaux. 

[2] Comune di Roma. « Au kilomètre zéro - Du Capitole à la place de Venise ». Sd.

Site Trastevere App. « Vittoriano: storia e trasformazione urbanistica ». 2019.

[3] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[4] Depuis 2019, après d'importants travaux de rénovation et suite à un partenariat entre Arthemisia (une entreprise culturelle organisant des expositions d’art) et Generali (les assurances propriétaires du palais), les anciens appartements de Laetitia Bonaparte sont consacrés à des expositions artistiques temporaires, ouvertes au public.

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