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Notes d'Itinérances
5 juillet 2019

Monti, entre Cavour et Nazionale, la Suburra (3/11). Miracle et sordide complot familial à la Suburra.

Santa Madonna dei Monti - Cicéron et le meurtre de Sextus Roscius

 

 

En retournant sur nos pas, dans la via Madonna dei Monti, on passe devant l’église Santa Maria ai Monti, construite après que plusieurs miracles se produisirent à cet endroit. Sur le mur latéral de la nef, une « madonnelle », un petit tabernacle abritant le dessin d’une madone, en rappelle l’évènement. Un jour d’avril 1579, des travailleurs en train de démolir le mur d’une grange, laquelle avait appartenu à un couvent de Clarisses, entendent une voix les suppliant de ne pas blesser l'enfant. Étonnés, ils enlèvent les briques à la main et découvrent une fresque représentant la Vierge et l'Enfant. La nouvelle s’étant répondue à travers la ville, attire un grand nombre de personnes, dont une femme aveugle nommée Anastasia. Placée face à la sainte image, elle recouvre la vue. La répétition de miracles en ce lieu convint le Pape Grégoire XIII (1572 / 1585) d’y construire une église, en 1580, après que les habitants du quartier se soient vivement opposés au transfert de l'image miraculeuse. La fresque miraculeuse, de style plutôt byzantin, est aujourd’hui exposée sur le maître autel. L’image est également reproduite en pierre sur une madonnelle du mur de la sacristie.

 

Conçue par Giacomo della Porta en 1580, l'église Santa Maria ai Monti montre une harmonieuse façade en travertin, à deux niveaux, avec des pilastres aux chapiteaux corinthiens et des niches selon une construction à l’image de l’église du Gesù avec, peut-être, des reliefs plus marqués. Une belle coupole octogonale, reposant sur un haut tambour lui-même octogonal, couvre la croisée. La nef est haute, avec des chapelles lattérales [1].

 

Une année, au Cameroun, j’ai failli assister à la naissance d’un « miracle » : une image de la Vierge apparut sur un tronc d’arbre dans la région de M’balmayo, au sud de Yaoundé. Pendant deux semaines la population s’y précipita pour constater le miracle et prier devant l’apparition, piétinant le champ du paysan propriétaire de l’arbre. De colère, celui-ci scia son arbre et l’image sacrée apparut pour ce qu’elle était, une tâche aux formes vagues. Ce paysan aurait attendu quelques jours de plus, peut-être que des aveugles auraient retrouvé la vue et que des paralytiques se seraient mis à marcher. Certes il aurait irrémédiablement perdu sa récolte, mais il pouvait installer une buvette, puis un commerce d’images saintes, construire une chapelle et serait, peut-être, devenu riche !

 

Le quartier de la Suburra a également été le théâtre d'un crime devenu célèbre. En 81 Av J.C, Sextus Roscius fils était accusé du crime affreux de son père. Le fait est connu grâce à la plaidoirie du défenseur de l’accusé, un dénommé Cicéron, alors jeune avocat de vingt-sept ans.

 

« Juges, vous êtes étonnés sans doute que, dans un moment où les plus éloquents et les plus nobles citoyens gardent le silence, je prenne la parole, moi, qui pour l'âge, le talent et l'autorité, ne pourrais nullement être comparé à ceux que vous voyez assis devant ce tribunal. (…) Quel motif si puissant m'a donc seul déterminé à me charger des intérêts de Sextus Roscius ? C'est que, si quelqu'un de ces grands citoyens avait entrepris de le défendre, et qu'il eût parlé des affaires publiques, ce qui arrivera nécessairement dans cette cause, on lui imputerait beaucoup de choses qu'il n'aurait pas dites. Moi, je pourrai tout dire, sans que mes paroles sortent de cette enceinte, et se répandent dans le public » [2].

 

Et c’est bien évidemment tout le contraire qui s’est produit. Les paroles de Cicéron sont si bien sorties de l’enceinte du forum que 2 000 ans plus tard, on peut encore y avoir accès ! Cicéron aurait emporté l’avis d’acquittement du jury en posant systématiquement la question, « A qui profite le crime ? », démontrant que le fils était faussement accusé du meurtre de son père dans le cadre d’un sordide complot familial. Son cousin, Capiton, qui travaillait comme contremaître pour son oncle, l’avait fait assassiner par son complice Magnus. Ceux-ci avaient proposé au favori de Sylla qui venait de s’emparer du pouvoir, de se partager les biens confisqués et revendus à un prix dérisoire. Si le fisl fut acquitté il ne récupéra toutefois jamais les biens de son père…

 


[1] Romanchurches. "Santa Maria ai Monti".

[2] Cicéron. « Plaidoyer pour Sextus Roscius d'Amérie ». 79 av.JC.

 

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