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Notes d'Itinérances
30 mai 2021

Toscane - Révolutions florentines (3/16). La coupole de Santa Maria del Fiore.

Faire aussi bien que la Rome antique

 

 

La coupole de Santa Maria del Fiore est l’emblème de Florence, symbole tout à la fois de modernité, d’innovation, de connaissance et de puissance. Érigée il y a six siècles (1420 / 1436), elle reste la plus grande coupole de maçonnerie au monde (dessin). Haute de 35 mètres, pour un diamètre de 55, elle a nécessité l’emploi de 4 000 000 de briques, son poids est estimé à 37 000 tonnes mais il ne fallut toutefois que seize ans pour l’achever ! 

 

Ces données matérielles masquèrent longtemps un formidable mystère, celui de la technique utilisée pour ériger au-dessus du vide, à 52 mètres de hauteur, une coupole aussi imposante car son bâtisseur, Filippo Brunelleschi (1377 / 1446), orfèvre, n’avait montré ses plans à personne puis il les a systématiquement détruits. En conséquence, il n’existe que peu de sources documentaires anciennes sur ses prévisions de construction, ses calculs, ses plans, ni même sur les techniques employées.

 

Mais, avant d’essayer de comprendre ce mystère, pourquoi les Florentins eurent-ils à résoudre pareil problème architectural ? Aux XIIIe et XIVe siècles, les villes d’Italie entrent en compétition pour ériger les plus grandes cathédrales, comme le Nuovo Duomo de Sienne (non terminé), le Duomo de Milan (cinq siècles ont été nécessaires pour l’achever !), San Petronio de Bologne (construction jamais terminée), toutes trois de style gothique. En 1293, le gouvernement de Florence réunit une commission pour superviser la construction d'une nouvelle cathédrale mais, contrairement au style architectural des cathédrales alors érigées en Europe, les Florentins décident de s'inspirer de la Rome antique en élevant, à la croisée de la nef et du transept, un immense dôme. Leur référence, c’est la coupole du Panthéon, le seul temple romain qui rendait hommage à tous leurs dieux. Les dimensions de la cathédrale sont donc définies en fonction des caractéristiques de la coupole du Panthéon (58 mètres extérieurs et 43,4 intérieurs). Il s’agit de faire aussi bien, sinon mieux, que les Romains avec le dôme de Santa Maria del Fiore (55 mètres extérieurs et 45 intérieurs compte-tenu de l’épaisseur du mur pour le cercle extérieur à l’octogone, 42,2 pour le cercle inscrit dans l’octogone) [1]. Seulement, problème… la technique de construction de pareils dômes s'est perdue depuis longtemps !

 

En 1418, depuis plus d’un siècle, le trou dans la toiture à la croisée de la nef et du transept, est toujours béant car aucun architecte ne sait comment édifier une coupole sans avoir recours à des cintres en bois et à des arcs boutants [2] ! Compte-tenu de la taille de la coupole à ériger, il est en effet impossible d’utiliser la technique habituelle des bâtisseurs de cathédrales : des cintres en bois sur lequel sont disposés les éléments de la voûte jusqu’à la pose de la clef de voûte qui fait tenir l’ensemble. D’une part, aucun madrier ne serait assez long et, d’autre part, la dépense serait considérable. Le second problème auquel se heurtent les architectes, c’est celui de la maîtrise des poussées latérales sur la structure du fait de son poids. Pour la coupole du Panthéon, cette maîtrise est assurée par des assises massives enserrant toute la base du dôme située au niveau du sol et qui contrecarrent les poussées latérales. Mais la base du dôme de Santa Maria del Fiore est situé à 52 mètres de hauteur et les parois de la cathédrale sont relativement minces. Une solution pour lutter contre les poussées latérales serait d’élever des arcs boutants pour contrer les poussées latérales… mais les Florentins les refusent au motif que le procédé est utilisé dans les églises du Nord de l’Europe, autrement dit chez les Goths, bref les « barbares » ! Sans compter qu’il faudrait élever des arcs-boutants à plus de 50 mètres de haut pour contrecarrer les poussées latérales ; le résultat serait pour le moins curieux et peu léger !

 

Un seul homme prétend pouvoir construire une structure autoportante, sans utiliser de cintres ni d’arcs boutants, Filippo Brunelleschi, lequel refuse toutefois de montrer ses plans et d’expliquer ses techniques de construction ! Dans ces conditions, il faut aux commanditaires un sacré courage, ou un profond désespoir, pour lui confier le projet même s’il a brillamment montré ses compétences techniques pour réaliser des grues capables de lever les sept tonnes de matériaux journaliers nécessaires à la conduite du chantier.

 


[1] Le diamètre intérieur de la coupole de Sainte-Sophie de Constantinople est de 31 mètres.

[2] Passerelle(s). « Le Dôme de Florence, 1420-1436 ». Bibliothèque Nationale de France. 2015.

 

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