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Notes d'Itinérances
7 novembre 2023

Pigna - Entre les places de Venise et de Minerve (17/23). Santa Maria Sopra Minerva.

La chapelle de Filippino Lippi – Le Christ de Michel-Ange

 

 

 

Santa Maria sopra Minerva occupe l’emplacement des temples antiques dédiés à Isis et Sérapis, non loin d’un sanctuaire à Minerve. C’est un rare exemple d’église de style gothique en Italie et la seule à Rome [1]. La nef à bas-côtés comprend six travées ; les chapelles des nefs latérales appartenaient à des familles nobles qui les ont richement ornées. Largement restaurée à la fin du XIXe siècle, la basilique a néanmoins conservé ses voûtes sur croisées d’ogives de la fin du XIIIe siècle. Voûtes et colonnes ont été peintes au XIXe de couleurs vives qui nous paraissent agressives tant nous sommes habitués aux grands monuments romans ou gothiques à la pierre blanche et nue. Mais ce n’était généralement pas le cas à l’origine ! 

 

La cinquième chapelle à droite n'appartenait pas une famille noble, mais à une confrérie, fondée en 1460, par le cardinal dominicain espagnol Juan de Torquemada (oncle de l'inquisiteur fanatique Thomas de Torquemada). La Confrérie avait pour objectif de donner une dote aux jeunes filles pauvres afin de pouvoir se marier et leur éviter de recourir à des activités moins décentes. Il chargea Carlo Maderno d’une rénovation baroque de la chapelle, mais en conservant l’Annonciation d’Antoniazzo Romano, peintre italien qui vécut à Rome de 1430 à 1508 [2]. Alors que l’archange Gabriel vient lui annoncer la conception de Jésus, Marie était occupée à donner leurs dotes aux jeunes filles vêtues de blanc et qui qui lui sont présentées par Torquemada lui-même.

 

Le transept droit abrite la magnifique chapelle Carafa, construite de 1488 à 1493, et revêtue de fresques de Filippino Lippi (1457 / 1504) représentant l’Annonciation, l’Assomption, et la vie de saint Thomas d’Aquin. Les scènes sont très colorées avec des contrastes de bleus et de rouges éclatants. Lippi joue du contraste entre le retable, au centre, représentant un espace fermé où saint Thomas présente le cardinal Carafa à la Vierge, et le pourtour du retable, occupant tout l’espace mural, montrant un espace ouvert sur l’horizon et dominé par un magnifique ciel bleu dans lequel est représentée une assomption. Si les personnages ont désormais acquis souplesse et naturel dans leurs gestes, les paysages restent encore symboliques avec une succession de plans où alternent des monuments d’architecture réelle et des palais idéaux. 

 

La chapelle Carafa présente des détails intéressants : les pilastres qui encadrent la scène du Triomphe de saint Thomas, en créant un effet de perspective, sont décorés de grotesques, s’inscrivant ainsi parmi les toutes premières représentations de ces peintures après leur découverte dans les ruines de la Domus Aurea de Néron dans les années 1480 [3]. A gauche du trône est figurée une vue du palais du Latran devant lequel est positionnée la statue équestre de Marc-Aurèle laquelle sera ensuite érigée au centre de la place du Capitole (photo). On croyait alors que cette statue représentait Constantin, le premier empereur romain à tolérer le christianisme puis à se faire baptiser.

 

La statue du Christ de Michel-Ange est située à gauche du sanctuaire. Le Christ est représenté après le martyr, nu, il sert dans ses bras la croix sur laquelle il a été crucifié, croix toute symbolique car sa taille est très insuffisante pour une crucifixion. Le message théologique derrière la statue est celui du Christ Nouvel Adam, la recréation parfaite de l'Humanité. Si ce n’était la croix, le style de la composition ferait d’ailleurs plutôt penser à un antique. Afin de cacher une nudité jugée scandaleuse, ce Christ fut affublé à l’époque baroque, par un sculpteur « brachettone » [4], d’un voile de bronze doré dont on se demande par quel miracle il tient. Et cela brouille un peu le message mystique du nouvel Adam lequel, homme nouveau, n’a pas besoin de cacher sa nudité.

 


[1] Site Romanchurches. « Santa Maria sopra Minerva ». 

[2] Site de l’église Santa Maria sopra Minerva.

[3] Premières représentations de grotesques : 1485 Pinturicchio (Rome, Santa Maria in Aracoeli, chapelle Bufalini) et 1488 (Rome, Santa Maria del Popolo, chapelle de saint Jérôme), 1488, Ghirlandaio, « Naissance de la Vierge » (Florence, chœur de Santa Maria Novella).

[4] Brachettone : Culottier, surnom donné aux artistes chargés de cacher la nudité des sculptures et peintures jugées obscènes par certains papes.

 

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