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Notes d'Itinérances
22 juillet 2022

Esquilino et Monti sud - Sur le chemin des processions (11/14). Porta Maggiore et spéculations immobilières à Rome-capitale.

La Porta Maggiore - Le tombeau du boulanger Eurysaces - La spéculation sur les terrains Wolkonsky

 

Rome Esquilino Monti Sud Porta Maggiore

La Porta Maggiore de l’enceinte d’Aurélien est curieusement composée des arcades de l’aqueduc de l’Aqua Claudia. Mais le plus intéressant c’est l’étonnant monument situé à l’extérieur de l’enceinte : le tombeau de Marcus Virgilius Eurysaces. L’esclave Eurysaces, après avoir été plusieurs années au service d'une famille d'aristocrates, acheta sa liberté et devint boulanger des armées. Comme tout fournisseur des armées, Eurysaces (comme la société Halliburton mais aussi notre Voltaire !) devint très riche, ce qui lui permit de faire construire ce tombeau pour lui et son épouse Atistia vers 30 avant J.C. Il présente une frise illustrant la fabrication du pain et des cylindres qui rappellent les mesures à blé. L’ensemble est malheureusement dans une situation déplorable. Outre qu’il faut risquer sa vie pour traverser une avenue où la circulation est dense et rapide, le jardin du terre-plein central comme la tombe sont dans un état d’abandon qui ne permettent pas de l’apprécier.

Pour terminer notre « pèlerinage » par San Clemente, traversons le quartier de l’Esquilino en passant par les Via Piatti et Ludovico di Savoia en longeant les jardins de la villa Wolkonsky. Après 1870, ce vaste espace de parcs, de jardins, de maisonnettes de campagne, de vignes, à l’est de Rome, était destiné à accueillir des logements pour les fonctionnaires, provenant en grande partie des autres régions italiennes, et appelés à participer à la construction du jeune État italien et de sa nouvelle capitale, ainsi que pour des commerçants et artisans exerçant leurs activités dans un quartier à vocation résidentielle et commerciale. L’Esquilin, tel qu’il avait été planifié dans le document de planification urbaine de 1873, s’est constitué sur le modèle piémontais comme un quartier à plan régulier, organisé autour d’avenues et de rues conduisant vers des pôles tels que Saint-Jean-de-Latran, la Porta Maggiore, la place Vittorio Emanuele II et Sainte-Marie-Majeure [1].

Les spéculateurs de l’époque, persuadés que Rome allait devenir rapidement une très grande ville à l’image de Paris et Londres, achetèrent tout ce qu’ils purent à une noblesse romaine souvent désargentée et ayant perdu tout pouvoir politique avec la disparition des États de l’église et l’avènement de la Royauté. Assez vite, la ville passa de 200 à 400 000 habitants avec l’arrivée des fonctionnaires des nouveaux ministères centraux et avec l’implantation d’une bourgeoisie nationale, semblant donner raison à ceux qui prévoyaient une capitale d’un million d’habitants. Les Banques achetèrent les terrains pour les revendre dans un objectif spéculatif. Mais la bourgeoisie nationale étant encore réduite, peu d’acquéreurs pouvaient acheter les terrains au comptant. Les banques prêtaient aux investisseurs audacieux non seulement la valeur du terrain qu’elles vendaient mais aussi la valeur d’une partie de l’immeuble en l’hypothéquant ! L’emprunteur construisait une partie de l’immeuble et, avec les ressources des premiers loyers, commençait à rembourser son prêt ou poursuivait l’érection de l’immeuble. 

Tout cela a fonctionné tant qu’il arrivait de nombreux nouveaux locataires. Les nouveaux quartiers se multipliaient, notamment sur l’Esquilin, Nomentano et Pratti. Mais le flux d’arrivée ayant faibli, les propriétaires ne purent louer leurs appartements et ils durent interrompre les constructions, puis ils furent incapables de rembourser leurs emprunts. Les immeubles furent expropriés mais les banques, faute de candidats, ne pouvaient ni revendre les immeubles, ni les louer. On avait vu beaucoup trop grand et beaucoup trop vite. Ce fut l’effondrement. Les actions de la Banque tibérine qui étaient cotées 600 francs en mars 1887, tombèrent à 35 francs en mars 189l ; celles de « l’Esquilino » qui valaient 291 francs en mars 1887 n’étaient rachetées que 2 francs en mars 1891 [2] ! Les banquiers, plutôt que de suivre des formations en mathématiques financières, ne devraient-ils pas aussi suivre plus modestement des études d’histoire ?

Néanmoins, de 1881 à 1901, le quartier de l’Esquilino passa de 23 414 à 94 352 habitants, pour diminuer ensuite à 56 132 en 1921 (36 900 en 2014).


[1] Stella Volpe. « L’Esquilin, un quartier central de Rome objet d’un programme de réhabilitation urbaine (1990-2015). Un cas de gentrification en trompe-l’œil ? ». In « Les cahiers d’Études sur le Monde Arabe et la Méditerranée ». 2019.

[2] Vilfredo Paretto. « L’Italie économique ». 1891.

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Monti et Esquilino Sud

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