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Notes d'Itinérances
25 mars 2019

Les tableaux du Caravage à Rome (13/21). N°★ - Sant Eustachio - Le Palais Madama

Palazzo Madama - Le cardinal Bourbon del Monte, protecteur du Caravage

 

 

 

Vers 1595, un marchand d’art, Constantino Spada installé sur la place qui borde l’église Saint-Louis-des-Français, attire l’attention du cardinal Del Monte (avec, semble-t-il, la complicité du Caravage) sur une scène de genre, « Les Tricheurs » (appelée par Caravage « Le Jeu de Cartes »), qui charme le cardinal. Il accueille l’artiste dans sa demeure, le palais Madama, au milieu de ses gentilshommes. Le Caravage habita une petite chambre dans les étages supérieurs du palais. C’est grâce à l’appui de Del Monte qu’il obtiendra, en 1599, la commande de la décoration de la chapelle Contarelli de l’église Saint-Louis-des-Français qui marque un tournant décisif dans sa carrière  en le révélant au grand public.

 

Le Palais Madama ressemble à un palais baroque par la richesse de son ornementation : corniche à consoles, frise décorée de putti, frontons courbes ou triangulaires selon les étages, encadrements des fenêtres en forme de cariatides. Pourtant le premier noyau du palais date de la fin du XVe début XVIe siècle. L'évêque de Fermés, Sinulfo de Castell'Ottieri, trésorier du pape Sixte IV, acquit un terrain en bordure de la « place Lombarde » (l’ancien nom de l’actuelle piazza Madama) pour se construire un petit palais. L'édifice fut achevé en 1505 par le cardinal Jean de Médicis, fils de Laurent de Médicis et futur pape sous le nom de Léon X. Celui-ci fit modifier le bâtiment une première fois par Giuliano da Sangallo. A la mort de Léon X, le Palazzo Madama est devenu propriété de son cousin, Jules de Médicis, lequel devint ensuite pape sous le nom de Clément VII (être pape était alors une affaire de famille). Catherine de Médicis, fille de Laurent II de Médicis, future épouse d’Henri II et reine de France, séjourna dans le palais de 1530 à 1532. A la mort de Clément VII, c’est Alexandre de Médicis qui en hérita puis, après son assassinat par son cousin Lorenzino de Médicis [1] en 1537 (les assassinats étaient aussi des affaires de famille), sa femme Marguerite de Parme (1522 / 1586), fille naturelle de Charles Quint. Marguerite de Parme était un beau parti que le pape Paul III Farnèse (1468 / 1549) ne voulait pas voir s’échapper et il la maria à son petit-fils Octave Farnèse ! Elle se retrouva au nœud d’intrigues complexes pour l’indépendance de son petit Etat de Parme et Plaisance, un coup contre le pape, grand-père de son mari, et un autre contre Charles Quint, son père ! Elle aimait se faire appeler « Madama » d’où le nom du palais. Celui-ci est resté aux Médicis jusqu'au XVIIIe siècle. En 1642 a été érigée la façade baroque conçue par Paul Marucelli. 

 

En 1589, le Palazzo Madama devient la demeure principale du cardinal Francesco Maria Bourbon Del Monte, issu d’une famille toscane, ambassadeur de la famille des Médicis à Rome, diplomate, fervent défenseur du parti français au sein de la papauté, et collectionneur d’art. Si le palais était alors d’apparence plus modeste, il abritait la collection d’œuvres d’art du cardinal qui ne comptait pas moins de 599 peintures et 56 sculptures en marbre ! A l’intérieur, il avait fait installer une petite salle pour les concerts (camerino), ornée de peintures renvoyant à des sujets musicaux, salle où avaient lieu des banquets accompagnés de concerts. Del Monte était protecteur du chœur de la chapelle Sixtine et intéressé par le passage de la polyphonie médiévale à la monodie, ligne mélodique unique chantée par la voix solo, ainsi que par les nouvelles formes de théâtre musical qui aboutiront à terme à l’opéra [2].

 

C’est suite à une commande de Del Monte que Caravage peindra en 1595 / 1596, « Les Musiciens » [3], une représentation de jeunes musiciens en répétition laquelle était accrochée dans la salle de musique du Palais Madama. Quatre garçons, représentés à mi-corps, accordent leurs instruments ou parcourent leurs partitions pour préparer un concert. Aujourd’hui, on remarque généralement le caractère androgyne, ambiguë de ces jeunes éphèbes, à partir duquel a été développée l’hypothèse de l’homosexualité du Caravage… Peut-être, bien qu’aucune preuve ne permette de l’attester. Mais, voyait-on et jugeait-on les choses de la même façon en 1600 ? D’une part, l’œuvre était destinée à la salle de musique d’un prélat fin musicologue et nous ne sommes donc pas dans le registre des chansons à boire ! D’autre part, Roberto Longhi souligne que la mode était aux « anges ». Tous les artistes dessinaient ou sculptaient des anges lesquels étaient une forme d’idéal dans la représentation humaine (le jeune homme de gauche est d’ailleurs affublé d’ailes !).

 


[1] Généralement plus connu sous le nom de Lorenzaccio. Voir le drame qu’en tira Alfred de Musset (1834).

[2] De Monteverdi, « Il combattimento di Tancredi e Clorinda » est de 1638 et « Il ritorno d’Ulisse in patria » de 1641.

[3] « Les Musiciens » ou « Le Concert » (en italien « Concerto di giovani ») est conservé au Metropolitan Museum of Art de New York.

 

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