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Notes d'Itinérances
4 avril 2019

Les tableaux du Caravage à Rome (18/21). N°10 - Pinacothèque du Vatican - La Mise au tombeau.

Une peinture « réaliste »

 

 

Avant de visiter la Pinacothèque du Vatican [1], prenez la précaution de retenir vos billets à l’avance, par internet, et choisissez un créneau horaire pas trop fréquenté.

 

La « Mise au tombeau » est un tableau peint entre 1602 et 1604. Il s'agit d'un retable qui était destiné à orner l'autel de la chapelle privée de la famille Vittrice dans la Chiesa Nuova, l'église de Saint-Philippe Néri à Rome. Philippe Néri, mort en 1595, était une figure importante de la Réforme de l’église catholique contre les dépenses de prestige et la licence des hommes d’église. Le tableau, accroché dans la Chiesa Nueva jusqu’en 1797, fut choisi par les représentants de Bonaparte pour figurer parmi les œuvres d’art romaines les plus dignes d’intérêt. Il a été emporté au titre de prise de guerre pour être exposé au nouveau Muséum central des arts de la République (musée du Louvre). Il revint à Rome en 1815, après la seconde abdication de Napoléon Ier, pour être désormais installé à la Pinacothèque du Vatican.

 

Le tableau ne représente pas une « mise au tombeau » mais une « déposition ». Après la descente de croix, le corps est porté par deux disciples, l'apôtre Jean et Nicodème, pour être déposé sur la pierre tombale qui fermera ensuite le sépulcre.  Au second plan, trois femmes, Marie, mère du Christ, Marie de Cléophas et Marie-Madeleine expriment leur peine de différentes façons, constituant une « déploration ». Le groupe de personnages se tient sur une dalle funéraire qui pointe vers le spectateur dont l’œil est situé à son niveau. Jean soutient le buste du Christ ; Marie pose un regard serein sur son fils et tend sa main droite comme si elle lui donnait sa bénédiction ; Marie-Madeleine a la tête penchée, la main sur le front, tandis que Marie de Cléophas lève les bras au ciel. Nicodème, soutient le corps du Christ par les jambes et regarde le sépulcre qui s’ouvre sous ses pieds. Le tableau adopte une composition en éventail à partir du pied gauche de Nicomède. Les bras de Marie de Cléophas tracent les deux premiers rayons, le buste et la tête de Marie-Madeleine participant à ce second rayon. Marie, penchée vers son fils, constitue le troisième rayon, en prolongement des jambes nues du Christ. Le drapé rouge et les têtes de Nicomède et Jean, forment un quatrième rayon. Le buste du Christ constitue le cinquième rayon, presque horizontal. Si le regard est d’abord attiré par le corps du Christ, le plus lumineux, puis par la composition en éventail des personnages, il se fixe sur cette pierre tombale qui se projette vers le spectateur, souligne l’espace dramatique situé en-dessous, la fosse dans laquelle sera déposé le corps. 

 

En peinture dans cette fin du XVIe siècle, la tendance était de s’éloigner du maniérisme représenté par Giulio Romano en se rapprochant du modèle classique de Raphaël et de Michel-Ange. Caravage va proposer une toute autre direction, basée sur la représentation réaliste, tant au niveau du fond que sur la forme. A propos de la « Mise au tombeau » un critique allemand du XIXe siècle [2] a pu écrire qu’il s’agissait de l’enterrement d’un chef de tribu de bohémiens ! Les situations ne sont pas idéalisées même quand elles rendent comptent de faits surnaturels, les personnages restent humains, dans leur apparence physique (leurs visages comme leurs vêtements) et dans leurs émotions (courage, volonté, peur, surprise, dégoût, douleur, tranquillité, détachement).

 

« Imaginez donc qu'il prétendait nous présenter le monde tel qu'il est, et sans l'embellir ! Attitude déraisonnable ! » [3].

 

Ce réalisme des œuvres du Caravage peut se mettre en relation avec une volonté de l’artiste de rompre avec les peintres de son temps, en sortant de l’idéalisation de la nature et des allégories dans une démarche qui s’articule avec la volonté de réforme de l’église catholique comme l’exprime un Philippe Néri par exemple. Ce réalisme peut aussi être mis en relation avec l’émergence, à cette même période, des éléments d’une démarche scientifique marquée par l’observation du monde extérieur et des phénomènes naturels, même si celle-ci reste encore bien souvent empirique (botanique, astronomie, optique, mathématiques, mécanique, musique…) [4].

 


[1) Pinacothèque du Vatican - Du lundi au samedi 9h à 18h, et dernier dimanche du mois de 9h à 14h.

[2] Franz Kugler, historien de l’art.

[3] Roberto Longhi. « Le Caravage ». 1968.

[4] Anna Papacostidis. « Peindre la science- Caravage et le milieu savant de Rome ». Mémoire présenté à la Faculté des Etudes supérieures et postdoctorales en vue de l’obtention du grade de Maîtrise ès arts en histoire de l’art. Université de Montréal. 2017.

 

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