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Notes d'Itinérances
14 septembre 2020

Esquilino et Monti Nord - Des perles dans un écrin banal (8/13). Esquilino - L’Auditorium de Mécène et la via Merulana.

Un généreux mécène - La via Merulana et son affreux pastis - Carlo Emilio Gadda

 

Rome Esquilino Monti Nord Via Merulana

L’auditorium de Mécène fut redécouvert lors de l’aménagement des nouveaux quartiers de l’Esquilin en 1874. Ce n’est pas très spectaculaire mais cela peut se visiter [1]. Il s’agit d’un petit édifice rectangulaire, fermé par une abside semi-circulaire dans laquelle était disposé un petit hémicycle de gradins. Les murs étaient creusés de niches rectangulaires et décorés de fresques « à la pompéienne ». Ce serait un nymphée, peut être utilisée pour des spectacles. Ce sont les seuls souvenirs de la fabuleuse propriété de Mécène, Caius Cilnius Mæcenas (-70 / - 8) un homme politique puissant et riche, ami de l’empereur Auguste. Il comptait parmi ses fréquentations Virgile et Horace et est resté célèbre pour avoir consacré sa fortune et son influence à promouvoir les arts et les lettres. Il a transformé en une somptueuse résidence une zone qui servait jusqu’alors de nécropole en l'améliorant par comblement. L’ensemble est ensuite passé dans le domaine impérial et les jardins ont été intégrés, à l'époque de Néron, dans sa légendaire Domus Aurea.

« La demeure était si vaste qu’elle renfermait des portiques à trois séries de colonnes, longs de mille pas, une pièce d’eau semblable à la mer, entourée de maisons formant comme des villes, et par surcroît une étendue de campagne où se voyaient des cultures, des vignobles, des pâturages et des forêts, contenant une multitude d’animaux domestiques et sauvages. Dans le reste de l’édifice tout était couvert de dorures, rehaussé de pierres précieuses et de nacre. Le plafond des salles à manger était fait de tablettes d’ivoire mobiles et percées de trous afin qu’on pût répandre sur les convives des fleurs ou des parfums. » [2].

Puis la Domus Aurea fut démantelée et le lac comblé pour y édifier le Colisée ! Nous sommes aujourd’hui bien loin de ces fastes impériaux. Le petit square est plutôt utilisé par des SdF qui prennent le soleil en discutant bruyamment, une bouteille de vin pas trop loin de la main. 

« Dehors, les ivrognes du quartier ont fait du banc public leur académie et viennent longuement se soulager la vessie sur le mur à l’entrée. Essayons ensemble que l’auditorium de Mécène ne se transforme pas en pissotière de Vespasien » [3].

De la place située devant Saint-Jean-de-Latran part, en biais, une grande voie rectiligne : la Via Merulana (la rue des merles). Son nom dérive en réalité de celui de la famille Merula (ou Meruli ou Merli) qui possédait toute la zone. Elle suit l'itinéraire tracé au seizième siècle par Grégoire XIII et Sixte V pour organiser des processions entre Santa Maria Maggiore, San Giovanni in Laterano, la Scala Santa et Santa Croce in Gerusalemme. A partir du XVIIe s’y construisirent de belles villas suburbaines pour la noblesse romaine dont la plupart furent détruites lors de l’urbanisation de la fin du XIXe avec l’installation de la classe moyenne et la bourgeoisie blanches, c'est-à-dire les nouvelles classes sociales qui soutenaient l’installation de la monarchie en 1870, contre la monarchie noire, la vieille noblesse romaine restée fidèle au pape. La Via Merulana est toujours le lieu de processions et, pour la Fête Dieu, le Pape remonte à pied de Saint-Jean-de-Latran à Sainte-Marie-Majeure.

La via Merulana est aussi le décor de ce qui est généralement considéré comme un des premiers romans-policiers italiens, « Quer pasticciaccio brutto de via Merulana » de l'écrivain italien Carlo Emilio Gadda, à la verve truculente [4]. Ce roman a donné lieu à un film, en 1959, puis à une série télévisée en 1982. Au n°219 de la rue des Merles, dans un immeuble bourgeois (photo), ont eu lieu un vol de bijoux de la comtesse, mais aussi, plus horrible, un meurtre ! C’est Francesco Ingravallo, Don Ciccio pour les intimes, qui est chargé de l’enquête, d’autant plus délicate qu’il connaissait la victime. Aujourd’hui, le n°219 apparaît comme un lieu assez anonyme, abritant très prosaïquement une pizzeria et un loueur de vidéocassettes, soulignant ainsi les évolutions démographiques du quartier.


[1] Sovrintendenza capitolina ai Beni Culturali. « Auditorium di Mecenate ». Entrée autorisée uniquement aux groupes accompagnés sur réservation. 

[2] Suétone. « Vie de Néron ». Cité par Wykipedia.

[3] Marco Lodoli. « Nouvelles îles – Guide vagabond de Rome ». 2014.

[4] Carlo Emilio Gadda. « L'Affreux pastis de la rue des Merles ». 1963.

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