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Notes d'Itinérances
19 avril 2021

Les obélisques de Rome (10/28). 1667 – « Minerveo » (n°7).

Piazza Minerva - Rione Pigna

 

 

Sur la piazza Minerva est dressé un des monuments les plus curieux de Rome : un petit éléphant de marbre portant sur son dos un obélisque ! C’est le plus petit obélisque de Rome, avec celui de Dogali, un peu plus de cinq mètres. Il fut découvert en 1665 par les moines dominicains dans les jardins de l'église de Santa Maria Sopra Minerva bâtie à l'emplacement d'un temple antique dédié à Minerve. C’est un monolithe de granite rouge qui avait été érigé dans la ville de Saïs par le pharaon Apriès (VIe siècle avant JC), puis envoyé à Rome pour y être dressé devant les propylées des temples d’Isis et Sérapis sur le champ de mars (Iseum Campense). 

 

En 1667 le pape Alexandre VII Chigi (1655 / 1667) décide de placer l'obélisque devant l’église et confie le projet à l'architecte dominicain le père Domenico Paglia. Celui-ci imagine un socle orné de six collines (lesquelles composent les armoiries de la famille Chigi) avec, à chaque angle, un chien, symbole des Dominicains (le terme Dominicains - dominicanes en latin -, peut s’entendre « domini canes », soit « les chiens du Seigneur » !).

 

Alexandre VII ne trouvant pas ce projet à son goût fait appel à son artiste préféré, Le Bernin. L'artiste s'inspire alors d’un best-seller, tant en Italie qu’en France, « Hypnerotomachia Poliphili », attribué généralement à l’architecteFrancesco Colonna. Le héros, Poliphile, rêve de celle qu'il aime, Polia, qui est indifférente à ses avances. Il effectue en songe un voyage initiatique qui le conduira à Cythère en traversant un pays agrémenté de nombreux monuments antiques qui sont abondamment décrits. Il croise notamment un « grand éléphant de pierre noire, étincelée de paillettes d’or et d’argent, en manière de poudre semée par-dessus » portant un obélisque sur une couverture de cuir liée par deux sangles sous le ventre. L’obélisque est « de pierre macédonienne verte (…) en la sommité estoit fichée une boule de matière claire et transparente » [1].

 

C’est un des élèves du Bernin, Ercole Ferrata, qui réalise la sculpture (voir photo) inspirée de la gravure qui orne le livre.

 

La sculpture présente quelques différences avec la description qui est faite dans le roman. La taille, plus petite, puisque Colonna imagine « qu’on pouvoit aysement monter et aller à travers cette machine creuse ». La couleur, puisque l’éléphant est de marbre blanc et l’obélisque rosé. Enfin, l’obélisque n’est pas surmonté d’une boule de matière claire et transparente mais bien évidemment d’une croix ! L'inscription du socle célèbre la puissance (l’éléphant) et la sagesse (l’obélisque). 

 

« Les savants égyptiens / ont gravé des images sur l'obélisque / porté par un puissant éléphant sauvage / celui qui les voit / comprendra l'enseignement / que seul un esprit robuste /peut soutenir une solide sagesse ». 

 

Mais à cette première signification, il s’en superpose une plus subtile qui renvoie le message de la dédicace en hommage au commanditaire du monument, Alexandre VII !

 

« Le mouvement de la trompe vers les armoiries Chigi représentées sur le caparaçon indique clairement que l'objet du monument est bien l'hommage à Alexandre VII, au souverain, unique comme le soleil et comme lui rayonnant » [2]

 

Les Romains ont baptisé l'éléphant de la Piazza della Minerva, « Il pulcino della Minerva » : « le poussin de la Minerve ». Étrange. Comment d’un éléphant est-on passé à un poussin ? Certes l’éléphant a une bonne bouille et, s’il est plutôt rondouillard, il ne se confond pas néanmoins avec un poussin duveteux. Comme notre éléphant était plutôt replet, les Romains auraient commencé par l’appeler « Porcino della Minerva » mais, en dialecte romain « pulcino », se prononçant « purcino ». Il y aurait eu ainsi une dérive des éléphantidés vers les porcins puis les gallinacés !

 


[1] Francesco Colonna. « Hypnerotomachia Poliphili ». Publié à Venise en 1499, ce livre fut un des premiers ouvrages imprimés en Italie. Première traduction en français en 1600. « Discours du songe de PoliphileCombat d'amour en songe ».

[2] Jean-Jacques Gloton. « Les obélisques romains de la Renaissance au néoclassicisme ». In « Mélanges d'archéologie et d'histoire ». Tome 73. 1961.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur les obélisques de Rome

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