Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
17 avril 2021

Les obélisques de Rome (9/28). 1651 – « Agonale » (n°6).

Piazza Navona - Rione Parione

 

 

La piazza Navona occupe la piste du stade de Domitien créé en 86 pour y développer les jeux du stade à la façon grecque : course à pied, lancer de javelot et de disque, pugilat, mais aussi courses de chars, éloquence ou poésie ! Le stade de Dioclétien portait le nom de cirque Agonalis ou Campus Agonis (le champ de lutte). Si l’église Santa Agnese in Agone, a gardé le nom original, celui de la place a évolué, devenant « nagone », puis « navone » et enfin « navona » ce qui signifie aussi « grosse nef ». La Piazza Navona a conservé la forme de la piste du stade et, deux millénaires plus tard, les façades des maisons épousent les limites de celle-ci malgré les destructions, l’utilisation du stade antique comme carrière de pierres mais aussi comme lieu d’habitation, et le rehaussement du sol de quatre mètres ! De fait, les maisons construites sur le pourtour l’ont été sur les gradins du stade que l’on retrouve dans leurs soubassements et leurs caves.

 

Innocent X Pamphili (1644 / 1655) décida d’aménager la place en y faisant bâtir son palais (1650), une église (1652 / 1657) et une fontaine (1648 / 1651). Le projet de fontaine avait été confié à Francesco Borromini par Innocent X. Gian Lorenzo Bernini, favori du pape précédent et désormais en disgrâce, aurait réussi à supplanter son rival grâce à un stratagème. Il fit parvenir à la belle-sœur du pape, Olimpia Maidalchini, surnommée par les Romains la « papesse » car son beau-frère ne prenait aucune décision sans la consulter [1], un modèle réduit en argent de son projet de fontaine. Le pape fut enthousiaste, peut-être suite à l’avis d’Olimpia [2] à qui le modèle avait été laissé en cadeau ? 

 

La fontaine est une œuvre curieuse avec cet obélisque posé en son centre, sur un amas évidé de rochers d’où surgissent un lion, un dauphin et un cheval marin, avec aux angles quatre statues colossales. Mais, dans la composition de la fontaine, rien n’est laissé au hasard, chaque élément est un symbole que le spectateur doit déchiffrer [3]. Les quatre statues colossales représentent les plus grands fleuves de chacun des continents : le Danube pour l’Europe (avec le blason pontifical puisqu’il est le plus proche de Rome), le Gange pour l’Asie (avec un aviron pour signifier qu’il est navigable), le Nil pour l’Afrique (avec un palmier et une statue qui se voile la face car on ne connaissait pas alors le lieu de sa source), le Rio de la Plata enfin pour les Amériques (avec une pile de pièces de monnaie pour symboliser ses richesses minières). L'absence du continent australien s'explique par le fait qu’il n'avait pas encore été découvert. Le socle de l’obélisque est une falaise qui illustre le règne minéral sur lequel s´appuient les règnes végétal et animal, dont le dragon et le tatou sont des espèces intermédiaires. Au centre, l’obélisque est l’axe de la foi qui s’élance vers le ciel, dominé par une colombe qui représente le saint Esprit. La fontaine est positionnée selon les quatre directions nord-ouest, nord-est, sud-ouest et sud-est. Sa composition symbolise le centre du catholicisme, Rome, qui rayonne dans les toutes les directions, les quatre continents et toute la création. Si les colombes sculptées autour du monument et au sommet de l’obélisque sont celles du saint Esprit, elles sont aussi l’emblème de la famille Pamphili ! La colombe devient alors le symbole de la famille Pamphili, qui est suffisamment puissante, pour être placée au centre de Rome… et donc du monde !

 

L’obélisque, de seize mètres de haut, se situait à l'origine sur la spina du cirque de Maxence. Ce n'est pas un obélisque égyptien, mais une version romaine en porphyre taillée sur l'ordre de l'empereur romain Domitien. Cet obélisque n’est pas situé sur de grandes perspectives comme les précédents, mais au contraire il est le symbole d’une centralité (voir photo). C’est le seul obélisque romain qui repose « en porte à faux » sur une base évidée et, après son inauguration, les Romains se rendaient place Navone dans l'espoir de voir s'effondrer l’édifice, persuadés que Le Bernin avait cette fois pris trop de risques en regard des lois de la pesanteur ! Mais cela tient depuis 1651…

 


[1] Pasquino : « Magis amat papa Olympiam quam Olympum » (Plus aime le pape Olympia que l’Olympe) ! Son surnom de Pimpaccia dériverait d'une pasquinade : « Olim pia, nunc impia », (autrefois religieux, maintenant impie).

[2] Une légende veut que chaque 7 Janvier, jour de la mort du pape Innocent X, la Pimpaccia traverse Rome de nuit, dans une voiture en flammes, du palais Pamphili, Piazza Navona, au Ponte Sisto pour aller s'enfoncer dans le Tibre avec les trésors qu'elle avait accumulés.

[3] Laurent Grison. « Mise en abyme et orbialisation : la place Navone de Rome ». Mappemonde. N°59. 2000.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur les obélisques de Rome

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 883
Promenades dans Rome