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Notes d'Itinérances
10 septembre 2021

Algérie au coeur (27/42). Miliana.

Avec ou sans h ? – Milianah fantasmée et Miliana réelle

 

 

A Khemis Miliana, on quitte la grande plaine de la Mitidja pour grimper à Miliana, à 740 mètres d’altitude, sur les contreforts du mont Zaccar.

 

Miliana ou Milianah ? C’est selon l’époque. Si, enfant, j’ai découvert Milianah (avec un h) et l’Algérie à travers les « Lettres de mon moulin », c’est Miliana (sans h) qu’adulte j’ai visité ! Dans sa lettre de Milianah [1], Alphonse Daudet compose un tableau folklorique de tout un petit peuple mêlé, Arabes, Juifs, Mahonais, « Nègres », Maltais, le tout dominé par la figure de Sid’Omar, prince de sang, fils d’un ancien bey d’Alger, ancien allié d’Abd El Kader, et devenu ensuite son ennemi irréductible.

 

L’ennui, c’est que ce gentil tableau est aussi assez raciste. Les traits des différents peuples qui vivent à Milianah en sont caricaturés pour rendre l’ensemble « exotique » aux yeux des Français du continent : si les soldats de la fanfare sont de braves gens tout occupés à compter leurs notes, le Juif, peureux et sournois, manigance une affaire qui lui permettra de toucher une grosse indemnité, l’Espagnol est vif et coléreux, les Maltais s’expliquent à coups de couteaux. Bref, on retrouve dans un conte qui se veut bon enfant tous les relents du racisme ordinaire de la fin du XIXe siècle.

 

Il n’empêche, c’est bien avec Daudet que j’ai visité Milianah pour la première fois. 

 

« ... à travers les larges rues de Milianah, pleines de beaux arbres et de fontaines... » [2], j’ai découvert l’horloge de la ville accrochée sur un ancien marabout, la boutique de Sid’Omar où celui-ci rend la justice, le bureau des affaires arabes, le théâtre municipal. Et, si je reconnais bien tout de suite le large mail planté de hauts platanes à l’ombrage frais et qui débouche sur une terrasse dominant la plaine du Chélif, impossible de retrouver quoi que ce soit de mon Milianah rêvé dans cette petite ville provençale, aux maisons basses, somnolant tranquillement sous le soleil d’août. Faut-il deviner dans cette tour blanche, agrémentée d’une grosse horloge sur laquelle on a dessiné un arabe d’opérette avec culotte bouffante rouge, boléro et chéchia, l’ancien minaret qui donnait le « la » à tous les clochers de la ville ? Mais où est passée la boutique de Sid’Omar parmi toutes ces maisonnettes provençales ? 

 

Mais Miliana est délicieuse. Après la touffeur de la Mitidja, on goûte ici, à sept cent mètres d’altitude, sous les frondaisons de la promenade, un petit air de fraîcheur, de calme tranquillité, au milieu d’un paysage « tout ombragé de jasmins, de thuyas, de caroubiers, d’oliviers sauvages, entre deux haies de petits jardins indigènes et des milliers de joyeuses sources vives (dégringolant) de roche en roche en chantant... » [3].

 

KHEMIS MILIANA. 1 mai
1998. Onze personnes ont été
égorgées vendredi par un
groupe armé à un faux barrage
dressé à 16 km de Khemis
Miliana, sur la route d’Alger.
Les victimes voyageaient à
bord de deux camions et d’un
taxi.
 

[1] Alphonse Daudet. « Les lettres de mon moulin - Milianah ». 1864.

[2] Alphonse Daudet. « Tartarin de Tarascon ». 1872.

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