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Notes d'Itinérances
3 mars 2022

Emilie - Romagne (16/28). Ferrarre - Le palais Schifanoia.

Une rupture avec les représentations du Quattrocento 

 

 

« Palazzo Schifanoia, la plus célèbre de ces delizie que les Este faisaient construire pour s’y retirer avec leur cour. Schifanoia : qui éloigne l’ennui. Séjour destiné uniquement au repos, aux loisirs. Pas de cuisine, les mets étant apportés de la résidence ducale. Bâti au XIIIe siècle, remanié en 1493 par Biagio Rossetti, l’architecte auquel on doit le plan régulateur et les avenues rationnelles admirés du sénateur Rofi, le palais renferme un des plus curieux ensembles de fresques de toute l’Italie » [1].

 

La construction du palais Schifanoia (« Sans-souci ») remonte à 1385. Il est transformé́ une première fois, en 1465-1467, en allongeant le bâtiment et en le surélevant d’un étage noble, une seconde fois en le rallongeant en 1493. Le palais présente une longue façade de brique, décorée à l’origine de motifs géométriques simulant des reliefs de pierres polychromes, et est orné d'un portail de marbre aux armes des Este. Mais c’est le décor des salles qui retient l’attention, notamment celui de la Salle des Mois (« Salone dei Mesi » - 1468 / 1470) qui est l'un des plus importants cycles de peinture murale profane du XVe siècle italien et témoigne de la culture humaniste à Ferrare (photo). Il s’agit d’une célébration de la famille d’Este avec une clé de lecture à la fois astrologique et mythologique, le programme iconographique étant confié à l'astrologue et bibliothécaire de la cour Pellegrino Prisciano. Les meilleurs peintres de Ferrare y participent, Baldassare d'Este, Ercole de’Roberti et Francesco del Cossa. 

 

Le nom de la pièce dérive de la représentation des mois de l'année, chacun étant associé à un signe du zodiaque. Chaque partie de mur dédiée à un mois est séparée des autres par des pilastres peints et est divisée en trois bandes horizontales : deux panneaux de plus grande hauteur, en haut et en bas, et un au centre, plus étroit. Celui-ci illustre un signe du zodiaque accompagné de trois Décans représentés par des personnages mystérieux avec des attributs divers qui se détachent sur un fond bleu nuit. Cette bande figure le lien entre le monde des dieux peint dans la bande supérieure, et celui de la cour de Borso d’Este dans la bande inférieure avec des scènes de la vie, des activités ludiques et des actes du gouvernement de Borso d’Este dans une intention de célébration d'un État politique idéalisé. Le décor, entre architecture idéale et ruines romaines, avec une utilisation rigoureuse de la perspective, renvoie à la décoration de la Chambre des époux (« La camera picta ») du château Saint-Georges à Mantoue, peinte par Andrea Mantegna (1431 / 1506) pendant neuf ans, de 1465 à 1475. 

 

La fin du Moyen Âge et le début de la Renaissance voient le développement des fresques en Italie dans les églises et les édifices publics. La fresque [2] est une technique de peinture murale exécutée sur un enduit à la chaux fraîchement réalisé. Le pigment de couleur est mélangé à de l'eau afin de bien pénétrer le plâtre et devenir une partie intégrale de la paroi ce qui permet aux couleurs de durer plus longtemps. La peinture romane n'avait pas pour ambition de représenter le réel (un portrait, un paysage, un bâtiment) mais d'illustrer, sous une forme symbolique, les textes de l’Ancien et du Nouveau Testaments, ou les légendes chrétiennes. Les personnages sont plats, sans volumes, juxtaposés sur des fonds unis, les formes et les couleurs sont symboliques, l'important étant que la divinité du Christ, ou de La Vierge, apparaissent nettement ; ne pouvant être traités comme des humains ordinaires, ils sont généralement dessinés plus grands que les autres personnages. Avec la Renaissance, progressivement, le religieux et le profane vont se séparer et constituer deux champs séparés. Les peintres vont dessiner avec plus de réalisme en humanisant les personnages, en représentant des paysages naturels, et en dessinant des architectures en perspective alors même qu’un nombre croissant de mécènes commandent des décorations de leurs maisons et palais, décorations dont les thèmes seront recherchés dans la mythologie, les paysages et des scènes de la vie quotidienne. Les fresques du palais Schifanoia témoignent de cette rupture dans la représentation du monde.

 

Ces fresques marquent aussi notre rupture avec les codes de la représentation du Quattrocento ! Les figures des Décans et la correspondance entre les trois niveaux d’images, triomphe d’un dieu / Décan / scènes de la cour de Borso d’Este, nous sont obscures et indéchiffrables [3].

 


[1] Dominique Fernandez. « Le voyage d’Italie - Dictionnaire amoureux ». 1997.

[2] Le terme fresque est dérivé du mot italien « a fresco » qui signifie « dans le frais ».

[3] Michael Baxandall. « L'œil du Quattrocento ». In « Actes de la recherche en sciences sociales ». Vol. 40, novembre 1981.

 

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