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Notes d'Itinérances
26 novembre 2023

Viêt-Nam - 1995 / 2023 (6/27). Cyclo-taxi.

Une image symbolique difficile à dépasser 

 

 

« Nous travaillons jour et nuit. Nous dormons sur les trottoirs et nous mangeons dans la poussière. Nous pédalons sans relâche. (...) Je ne sais pas où nous mène ce métier »  [1].

 

Un ami nous a donné l’adresse d’un vieux militant anticolonialiste, né à Hué, M Dong Sy Hua, qu’il avait eu l’occasion d’accueillir à Montpellier au nom du Secours Populaire Français dans une délégation vietnamienne en visite en France. Il souhaite que nous lui transmettions son bonjour et son amitié. Ce monsieur habitant dans un faubourg de la ville, il faut nous y rendre en cyclo-pousse, les taxis-autos ne semblant pas encore monnaie courante à Hanoi. L’image du pousse est tellement liée à l’exploitation coloniale que c’est avec un sentiment de culpabilité que l’on y prend place ! Contrition fort mal placée car, faute de taxis et de transports en commun, le cyclo-pousse est le seul moyen de locomotion pour qui ne possède pas une bicyclette ou un vélomoteur. 

 

Ce premier obstacle idéologique passé, on est confronté à l’embarras de monter dans cet appareil que l’on a peur de faire chavirer, d’autant que le frêle conducteur ne fera pas un contrepoids très important. Mais c’est une peur superflue tant le poids du véhicule est élevé ; heureusement qu’Hanoï ne comporte pas de collines car cet engin serait dans l’impossibilité de s’y hisser. Enfin, une fois grimpé, il faut s’y asseoir en se retournant et en s’enfonçant très profondément dans le siège. C’est une position, très allongée, plus habituelle dans une chaise longue que dans un véhicule ! Mais c’est ensuite un plaisir de rouler lentement dans la ville, sans bruit, sans fatigue (au moins pour le passager !), en ayant le temps d’observer la vie sociale autour de soi. Ce n’est toutefois pas sans problème ni appréhension car il faut faire une confiance aveugle au conducteur quand on traverse places et carrefours avec leurs flots de vélos et mobylettes, denses et menaçants. A ce sujet, revoir plus haut ce qui a été dit sur la traversée d’une rue ; la crainte est la même bien que vous n’ayez plus à décider s’il faut accélérer ou ralentir, un autre prend les décisions à votre place. 

 

Je peux me permettre un conseil ? Dépêchez-vous d’aller goûter à ce plaisir car il risque de disparaître très prochainement avec la multiplication des motos-taxis et l’apparition, bien qu’encore timide, des taxis-autos [2]. Déjà certaines rues de Hanoi ne sont plus autorisées aux cyclos sous prétexte qu’ils créent des embouteillages !

 

« Son pousse l’amena vers les quartiers au sud du Petit Lac. De ce côté la ville européenne s’est beaucoup développée et sur les terrains libres s’entrecroisent les larges voies ombragées, de part et d’autre desquelles de belles maisons aux spacieuses vérandas fermées, construites très en retrait, s’élèvent au milieu de grands jardins » [3].

 

Hanoi a conservé ses quartiers coloniaux avec ses belles maisons du début du siècle, des croisements hybrides et curieux entre chalets basques et chaumières normandes, le tout sous un climat tropical. Ces demeures sont malheureusement assez souvent décrépies, peinture fanée, boiseries fatiguées, excroissances parasites de cabanes, murs, vérandas, friche des jardins. Mais l’ensemble urbain reste homogène et conserve un attrait vieillot de tranquillité provinciale avec de larges artères ombragées qui…

 

« …font de nos jours, le charme délicat, un rien pincé de Hanoi. A pied ou en pousse, on croirait être l’invité d’une princesse au Bois Dormant lorsque, en contre-jour, glissent des Peugeot 203 devant la façade d’un garage Simca... » [4]

 


[1] « Cyclo ». Un film franco-vietnamien réalisé par Tran Anh Hung.  1995.

[2] 2023. Les cyclotaxis ont disparu, remplacés par des mototaxis et des taxi-voitures. Mais les cyclopousses sont devenus depuis une attraction touristique, ils se louent à l’heure auprès d’une agence de tourisme sur la base de circuits déterminés.

[3] Herbert Wild. « Le conquérant ». 1925.

[4] Jean-Luc Coatalem.  « Suite indochinoise ». 1995.

 

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