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Notes d'Itinérances
20 août 2022

Chroniques tunisiennes 1975 / 2023 (20/69). Le TGV fait des émules entre Tunis et Sousse.

Une centrale de réservation exigeante – Mais heureusement susceptible d’adaptation

 

 

Contrairement à ce qu’imaginent fréquemment vos collègues, les missions à l’étranger donnent rarement l’occasion de visites touristiques encore moins de farniente sur une plage, d’autant que vous disposez rarement de moyens de déplacement. Si vos partenaires étrangers respectent généralement le repos dominical, la fin de semaine est alors pour vous l’occasion de travailler sur les documents recueillis, les notes prises, de rédiger des analyses ou des rapports. Pendant le temps de votre absence, votre travail habituel n’étant pas effectué par de serviables petits lutins, vous imaginez aisément que courriers et problèmes doivent attendre avec impatience votre retour. Pas question donc d’avoir en plus un rapport de mission à rédiger ! Néanmoins, ne faisons pas pleurer dans les chaumières sur notre triste sort, les missions à l’étranger sont l’occasion de rencontres professionnelles passionnantes, doublées parfois par la réalisation d’amitiés profondes.

 

Il se trouve que, pour une fois, ce dimanche, nous disposons d’un peu de temps et nous décidons d’aller visiter Sousse en prenant le train. Las, arrivés à la gare, bien que très en avance sur l’horaire de départ, le préposé à la vente des billets nous annonce que toutes les places sont déjà réservées. Nous nous étonnons de ne pouvoir prendre un billet, quitte à voyager debout, la distance n’étant pas si grande. A quoi l’employé nous répond que dans le TGV, lequel a été inauguré il y a peu de temps entre Lyon et Paris [1], on ne délivre pas non plus de billet sans réservation ! La logique est imparable : les trains modernes, qu’ils circulent en France ou en Tunisie, semblent gérés avec la même logique d’efficacité économique. En insistant un peu auprès de l’employé, nous découvrons que celui-ci effectue les réservations avec une fiche sur laquelle est dessinée la rame du train et ses différentes places assises symbolisées par des cases numérotées. Or, seules les cases de la partie gauche de la rame sont cochées, ce qui doit correspondre aux billets déjà vendus. Le préposé nous explique que, si au départ de Tunis seule la moitié des places est vendue, c’est que des voyageurs sont susceptibles de monter aux arrêts situés entre Tunis et Sousse et qu’il convient de leur conserver des places assises. De fait, il n’existe pas de centrale de réservation qui permette de prévoir l’occupation du train lors de ses différents points d’arrêts et la méthode utilisée doit donc permettre d’assurer une certaine « régulation » de la fréquentation. Avec un peu d’empathie et de persuasion nous finissons néanmoins par obtenir des billets en « surnombre ». Heureusement, car la rame se révèle à moitié vide jusqu’à Sousse !

 

 « Cette petite ville carrée est fort riante ; bâtie sur le penchant d’une colline. La mer arrose tout le côté des murailles qui regarde le levant ; le côté opposé est défendu par la citadelle qui se trouve au haut de la ville et qui n’est point dominée »[2].

 

A Sousse, nous avons la surprise de constater que la voie de chemin de fer traverse la ville en empruntant avenues et places. Spectacle dont nous ne nous lasserons pas dans l’après-midi, observant la scène des terrasses de café de la grande place « Fahrat Hached » : la lourde locomotive tirant son convoi et avançant lentement et précautionneusement au milieu d’une circulation dense en actionnant son klaxon [3].

 

Le voyage de retour nous confirme ce que nous subodorions. La rame pour Tunis, le dimanche soir, est absolument bondée d’étudiants et lycéens retournant dans leurs écoles, et de Tunisois venus passer le week-end en famille à Sousse. Le nombre de billets délivrés au départ de Sousse est manifestement très largement supérieur au nombre de places disponibles. Les arrêts dans les gares suivantes montrent aussi que, comme dans le métro parisien, l’on peut vendre sans fin des billets, sans commune mesure avec la capacité des rames et encore moins des règles les plus élémentaires de sécurité. L’employé de la gare de Tunis avait donc fait un peu de zèle, il voulait montrer à ces touristes français qu’en Tunisie aussi il existait des trains modernes et qu’il fallait aussi y réserver sa place.

 


[1] Septembre 1981.

[2] Jean André Peyssonnel. « Voyage dans les régences de Tunis et d’Alger ». 1724-1725.

[3] Désormais, le terminus du train Tunis-Sousse est situé boulevard Hassouna-Ayachi, peu avant la place Fahrat Hached (note dde 2018).

 

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