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Notes d'Itinérances
5 juin 2021

Toscane - Révolutions florentines (6/16). Masaccio - La « Sainte Trinité » à Santa Maria Novella

La première application rigoureuse des principes de la perspective

 

 

La « Sainte Trinité » (1425 / 1428) que peint Masaccio dans la troisième travée de la nef gauche de l’église Santa Maria Novella est la première œuvre grandiose (667 × 317 cm) qui obéit strictement aux règles de la perspective mathématique énoncées par Brunelleschi. Cette audace est renforcée par la substitution de vigoureuses et massives figures, aux personnages avec des contours précis et des courbes gracieuses et délicates du style international jusqu’à alors en vigueur. La survie de cette œuvre plusieurs fois déplacée et restaurée tient du miracle [1]. Vasari, qui avait pourtant chanté les louanges de l’œuvre, édifia néanmoins devant elle, en 1570, un nouvel autel surmonté d’une grande toile représentant une Vierge au rosaire, masquant lafresque de Masaccio pendant trois cents ans. Redécouverte, la fresque fut détachée du mur, transposée sur toile, et placée sur le côté intérieur de la façade de l’église. Elle ne retrouva son emplacement d’origine qu’en 1952 (photo).

 

Une chapelle est peinte en trompe l’œil. Son ouverture est traitée comme un arc de triomphe ; elle est encadrée de pilastres et de colonnes. L’intérieur supposé de la chapelle possède une voûte en berceau décorée de caissons eux-mêmes ornés de rosettes. Au milieu de l’arc ouvrant la chapelle est situé un Christ en croix dont la traverse est soutenue par Dieu le Père, situé derrière le Christ. Une colombe blanche complète la Trinité ; ailes étendues, elle est placée entre la barbe du Père et l’auréole sur la tête du Fils. Au pied de la croix, sur le même plan, à gauche, la Vierge Marie, habillée en bleu, regarde le spectateur et l’invite de sa main à regarder son fils crucifié. A droite, saint Jean, habillé en rouge, couleur de la Passion, prie en direction de Jésus. Devant, sur une marche plus basse, figurent deux personnages agenouillés (vraisemblablement les donateurs), vêtus de capes rouge et bleu, en symétrie opposée des deux personnages précédents. Les six personnages sont disposés dans un triangle équilatéral, en s’élevant des donateurs, à la Vierge et saint Jean, puis au Christ et enfin à Dieu le Père. Sous la représentation de la chapelle est dessinée un sarcophage contenant un squelette au centre d’une crypte. Une inscription, un « memento mori », précise : « Io fu gà quel che voi sete ; E quel chi sono voi acor sarete » (Je fus autrefois ce que vous êtes ; et ce que je suis, vous le serez aussi).

 

La « Trinité » de Masaccio est l'une des premières expressions de l'ascension humaine vers le divin : de l’Homme mort aux vivants, puis à la Vierge et au saint, au Christ et enfin à Dieu lui-même. L’importance de la figure humaine est soulignée par la représentation d’une même taille que celle des personnages divins. C’est encore la première fois que le Père et le Fils sont à la même échelle, que Dieu le Père est représenté entièrement, tête nue et debout. Cette fresque est enfin considérée comme la première application rigoureuse des principes de la perspective de Brunelleschi. La vision suit des lignes droites qui vont dans la même direction et semblent converger à l’horizon en un seul et même point créant un espace vraisemblable en trois dimensions.

 

« Ce sont ses œuvres à Florence, à Santa Maria Novella, une Trinité est placée au-dessus de l'autel de saint Ignace, et Notre Dame et saint Jean l'Évangéliste [...] Mais ce qui est beau, en plus des figures, c'est une voûte en berceau tirée en perspective, et divisée en tableaux pleins de rosettes qui diminuent et escortent si bien qu'il semble que ce mur soit percé » [2].

 

« Il semble que ce mur soit percé » ! Il faut imaginer ce que cela a pu représenter pour les contemporains de Masaccio, car Vasari en parle un siècle plus tard alors même que la représentation en perspective est devenue habituelle ! C’était découvrir que la perception humaine de la « réalité » est sujette à caution, mais c’était aussi découvrir un immense pouvoir, celui de créer l’illusion de la réalité.

 


[1] François Bœspflug. « Chapitre IV. La « Trinité » de Masaccio à Sainte-Marie-Nouvelle de Florence ». In « La Trinité dans l’art d’Occident (1400-1460) : Sept chefs d’œuvre de la peinture ». 2006.

[2] Giorgio Vasari. Article « Masaccio ». In « Le vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori ».1568.

 

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