Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
3 juin 2021

Toscane - Révolutions florentines (5/16). Fra Angelico « Pietà » - Fiesole.

Une Vierge à l’attitude humanisée, à la douceur songeuse

 

 

Guido di Pietro (vers 1400 / 1455), moine dominicain et peintre, appelé après sa mort Fra Angelico (Frère Angelico), reste célèbre sous ce pseudonyme. Le retable du couvent San Domenico est une des œuvres les plus anciennes que nous possédons de cet artiste (1424 / 1425). Ce retable est toujours conservé dans le lieu où il a été peint, à Fiesole, dans la banlieue de Florence. Le couvent a été construit entre 1406 et 1435 et Fra Angelico y est entré en 1417. Son activité artistique avait déjà commencé à cette date. En 1432 et 1433, il assume les responsabilités de vicaire au couvent et, en 1438, il quitte Fiesole pour s'installer à Florence.

 

L’œuvre était à l’origine un retable pour le maître-autel de l’église et était composée de trois panneaux [1]. Une modification de l’œuvre a été opérée en 1501 par Lorenzo di Credi (1459 / 1537). D’une part, il a réuni en un seul les trois panneaux qui se terminaient vraisemblablement vers le haut en pinacle à arc brisé. D’autre part l’arrière-plan du tableau, probablement doré à l’origine, a été « modernisé » en rajoutant un drap d’honneur derrière la Vierge, surmonté d’un dais, le tout encadré d’arcades laissant apparaître un paysage composé de quelques arbres et de collines. L’œuvre a ensuite été déplacée dans une chapelle latérale (photo). La peinture initiale de Fra Angelico était donc beaucoup plus proche de l’art byzantin et médiéval qu’il n’y parait aujourd’hui ! 

 

Au centre du tableau est représentée une Vierge en majesté, tenant l’Enfant Jésus dans ses bras. Elle est située en hauteur, assise sur un trône placé en élévation sur une marche (le dais a été ajouté en 1501). L'Enfant est nu et tend la main vers deux fleurs que sa mère tient dans sa main droite : une rose blanche, symbole de pureté, et une rose rouge, symbole et préfiguration de la Passion. Elle est entourée de huit anges adorateurs dont la petite taille correspond au fait qu’ils sont situés à un rang hiérarchique inférieur à celui de la Vierge. Quatre saints accompagnent la Vierge : à gauche, saint Thomas d'Aquin et saint Barnabé ; à droite, saint Dominique et saint Pierre martyr. Une auréole dorée encercle la tête de tous les personnages pour marquer leur appartenance au royaume des cieux.

 

Le retable de Fra Angelico à San Domenico est encore dominé par l’esthétique de Moyen Âge : Vierge en majesté, absence de profondeur de la représentation, tous les personnages sont situés sur un même plan, utilisation des dorures en fond de l’œuvre et pour les auréoles, place et taille des personnages différenciée selon leur position dans la hiérarchie céleste.

 

Dans cette œuvre, l’apport spécifique de Fra Angelico réside dans la représentation de la physionomie de la Vierge : le visage exprime une douceur songeuse et la main tient délicatement deux fleurs que l’Enfant cherche à saisir. Tout en étant encore présentée en majesté, sur un trône et dominant les autres personnages, son attitude la rapproche des Vierges de l’humilité qui domineront par la suite dans la peinture. 

 

Très peu d’années plus tard, avec la fresque de « La Trinité » dans l’église Santa Maria Novella de Florence, Masaccio utilisera une formidable perspective linéaire, respectant les contraintes mathématiques. De même, la figure de la Vierge sera progressivement humanisée, la figure maternelle de la Vierge remplaçant celle de la Vierge en majesté.

 

En comparant cette œuvre à « L’Annonciation » que peindra Fra Angelico au couvent San Marco de Florence, dans les années 1438 / 1450, on peut mesurer les évolutions rapides dans les techniques et les compositions des œuvres d’un même artiste à cette époque. Dans cette Annonciation, au sein d’une architecture en perspective, comportant des arcades ouvertes sur un jardin, l’archange Gabriel apparaît devant la Vierge Marie, ses ailes colorées déployées. La scène est désormais dessinée en perspective, en profondeur, et l’attitude de la Vierge, humble et attentive, est humanisée. La peinture de Fra Angelico témoigne ainsi de la transition entre le style gothique international et celui de la Première Renaissance.

 


[1] Parick Aulnas. « Fra Angelico. Pala di Fiesole ou Retable San Domenico (1424) ». In site « Rivage de bohême ».

« Fra Angelico - Retable de Fiesole, 1424-1425 ». In site « Arte in Toscana ».

 

Liste des articles sur Florence

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 990 128
Promenades dans Rome