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Notes d'Itinérances
23 novembre 2021

La traversée de Rome par le Corso (22/26). Le palais de Venise - Rione de Pigna.

Heures glorieuses et sombres

 

 

 

« En arrivant sur la place voisine, la vue est frappée par l’aspect d’une sorte de forteresse ; c’est le palais de Venise ; il fut bâti en 1468, avec des pierres du Colisée » [1].

 

Le palais de Venise est l'un des premiers édifices civils construits à la Renaissance par un prélat. Édifié pour le cardinal vénitien Pietro Barbo, il en fit même la résidence papale après son élection au trône pontifical, sous le nom de Paul II (1464 / 1471), et le portail affiche encore son emblème.

 

« (…) vous n’oublierez pas de ne point entrer au palais Saint-Marc, car c’est un vieux vilain logement tout à fait indigne de recevoir un procureur général du roi, quoique le roi y ait habité lui-même. Il fallait que Rome fût encore une vilaine ville, au quinzième siècle, puisque l’on n’eut pas de plus belle habitation à donner à Charles VIII, lorsqu’il y fit son entrée triomphale » [2].

 

Voilà un jugement bien sévère car l’édifice, dû à Francesco del Borgo, donne à Rome un magnifique palais avec cour intérieure. Certes, à l’extérieur, c’est encore un palais au caractère défensif et médiéval : massif, avec un haut soubassement, des fenêtres à meneaux, une tour d’angle, un couronnement à créneaux (photo). Mais la cour intérieure, de style Renaissance, est charmante avec une colonnade surmontée d'une loggia, la superposition des ordres doriques et ioniques, et ses grands palmiers qui semblent concurrencer les colonnes « à l’antique », mais avec plus de finesse et de hauteur. Il faut entrer dans la cour du palais et aller voir le remarquable escalier Renaissance. Cette citation est également l’occasion de se rappeler les invasions de Rome par la France. Il y eut certes les troupes de la République en 1798, puis en 1849, mais il ne faut pas oublier Charles VIII, le 31 décembre 1494, qui ouvrit le cycle infernal des onze guerres d’Italie (1494 / 1559) au prétexte qu’il avait quelques « droits » sur le royaume de Naples. Guerres qui ravagèrent le Piémont, la Lombardie, la Toscane, Naples, mais aussi la Picardie, les Flandres et Rome avec le sac de 1527 par les troupes de Charles Quint. Les Français n’ont pas toujours laissé que de bons souvenirs !

 

En 1564, Pie IV de Médicis (1559 / 1564) céda la propriété du palais à la République de Venise pour y installer le siège de son ambassade, d’où son nom. Il le resta jusqu’en 1797, date de la disparition de la Sérénissime par suite de sa conquête par les troupes de la République française. En 1806, Rome étant deevenu la seconde capitale de l'Empire, le Palazzo Venezia accueillit le siège de l'administration française et, après le Congrès de Vienne, qui avait attribué le territoire de Venise aux Habsbourg, il devint l’ambassade de l’Empire austro-hongrois jusqu’à la disparition de ce dernier en 1917. Il connut ensuite des heures sombres puisqu’il hébergea le Grand Conseil Fasciste à partir de 1929 et le bureau du Duce dans la salle des Mappemondes. Par démagogie populiste, les lumières de son bureau restaient constamment allumées, signifiant que celui-ci veillait au bien-être de son peuple lequel pouvait dormir sur ses deux oreilles. A la grande honte des démocrates italiens, les Romains purent revoir des images de cette époque le 20 avril 2009. Lors d’un spectacle fêtant l’anniversaire de la fondation de Rome par Romulus en 753 avant JC, des images de Mussolini déclarant la guerre du balcon du palais, en 1941, ont été projetées sur les murs du marché de Trajan, entre une vidéo du pape Jean Paul II et un extrait d'un film de Roberto Rossellini. Il faut dire que le maire de Rome était alors Gianni Alemanno [3], un ancien fasciste du Mouvement Social Italien passé, par réalisme, au parti conservateur « Alliance Nationale », mais néanmoins toujours nostalgique de la période mussolinienne.

 

Le Musée National du Palais de Venise, créé en 1921, abrite des peintures des XVe au XVIIIe siècles, des pastels, des miniatures, des sculptures sur bois italiennes et allemandes, des marbres du Moyen Age et de la Renaissance. Il s’agit de pièces issues notamment de la donation faite en 1933 par Henriette Wurst, une riche collectionneuse américaine qui avait acquis la Villa Sciarra [4].

 


[1] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[2] Charles De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

[3] Maire de 2008 à 2013. Condamné en 2019 à 6 ans de prison pour corruption dans le scandale Mafia-Capitale.

[4] Andreina Draghi. « George e Henriette Wurts : La seduzione del mito Italia ». In « Storie di abiti e merletti: Incontri al museo sull’arte e il restauro del pizzo ».2014.

 

 Liste des promenades dans Rome - liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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