Emilie - Romagne (19/28). Parme - Palazzo della Pilotta, théâtre Farnèse.

Un fabuleux complexe théâtral peu utilisé

Le théâtre du palazzo de la Pilotta est construit en peu de temps en occupant les locaux de la très vaste salle d’arme : 87 mètres de long, 32 de large et 22 de haut ! Ranuccio Ier Farnèse, 4e duc de Parme et Plaisance (1593 / 1622) entend célébrer avec faste le passage à Parme de Cosme II de Médicis, Grand-Duc de Toscane, lequel doit se rendre à Milan pour visiter le tombeau de saint Charles-Borromée canonisé en 1610. L’évènement est l’occasion pour les deux familles de développer des liens renoués en 1615 suite à un accord de mariage entre Marguerite, fille de Cosme II, et Odoardo, fils de Ranuccio. Le théâtre doit montrer la grandeur et la magnificence des Farnèse.

En 1617, Ranuccio fait appel à l'architecte ferrarais Giovan Battista Aleotti, dit « L'Argenta » du nom de sa ville d'origine (1546 / 1636). Celui-ci a déjà travaillé pour les Farnèse, en 1616, à l’occasion du carnaval de Parme pour un spectacle de tournoi ; par ailleurs, Aleotti a construit le Teatro degli Intrepidi à Ferrare en 1615. Le passage de Cosme étant prévu en 1619, pressé par le temps, Aleotti utilise des matériaux légers, le bois et le stuc, comme il est alors coutumier de le faire lors de la construction de bâtiments éphémères pour des fêtes princières, des défilés, des triomphes ou des mariages entre familles nobles. La capacité du théâtre (photo) est de 3 à 4 000 spectateurs (la population de Parme était alors de 15 000 habitants).

« La forme en est circulaire dans une des moitiés ; c’est celle destinée aux spectateurs, et carré dans l’autre moitié, qui contient le théâtre (la scène) proprement dit. On entre (…) dans un parterre demi-ovale, dont le sol est pavé de pierres de taille et creusé en bateau d’environ trois pieds [1], pour y mettre l’eau à cette hauteur quand on le veut (…). Autour de ce parterre règne un fer à cheval passablement élevé bordé d’une balustrade (…). Sur ce fer à cheval s’élève un amphithéâtre de gradins hauts d’une quarantaine de pieds, et interrompus de temps en temps par de petits escaliers fort étroits servant à parvenir aux différents gradins. C’est sur ces gradins que se placent les dames, d’une manière assez incommode à la vérité, car elles n’ont rien pour s’appuyer par devant ; mais qui pare infiniment le spectacle, en laissant voir en entier, et par étage, toutes les dames et toutes leur parure. L’amphithéâtre de gradins est couronné par un rang d’arcades, aussi en demi-ovale ; chacune des arcades séparées par deux colonnes accouplées forme une loge. Une corniche continue au-dessus de ce rang soutient un second étage de pareilles loges et arcades, et ce second étage a pour comble une balustrade surmontée de statues » [2].

Le voyage prévu de Cosme II n’ayant pas lieu pour cause de maladie, l'inauguration du théâtre n'aura finalement lieu qu'en 1628 à l'occasion du mariage de Margherita de Medicis (15 ans) et Odoardo Farnese (16 ans), avec un spectacle fastueux, allégorique et mythologique, intitulé « Mercure et Mars », texte de Claudio Achillini et musique de Claudio Monteverdi [3], culminant avec la représentation d’une bataille navale grâce à un système de réservoirs, de pompes et d’évacuation des eaux !

Compte tenu de la complexité de l'aménagement et du fonctionnement de la machinerie scénique, ainsi que du coût élevé des spectacles, le théâtre n’est utilisé que huit fois de 1652 à 1732, à l'occasion de visites de personnages illustres ou de mariages dans la famille Farnèse, d’autant qu’une salle plus petite est construite, en 1689, dans un espace adjacent au grand théâtre. Enfin, l’érection en 1829 du Nuovo Teatro Ducale (teatro Regio) décidée par Marie-Louise d’Autriche, duchesse de Parme et de Plaisance, ex-impératrice des Français, signe l’abandon du grand théâtre. Déjà en mauvais état, le théâtre est partiellement détruit lors du bombardement allié du 13 mai 1944. Si la salle a pu être restaurée en utilisant le plus possible les éléments originaux, les sculptures en plâtre qui décoraient la balustrade et les corniches, faites de chiffons et remplies d'étoupe, ont pour la plupart été pulvérisées.

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[1] Trois pieds : environ 0,9 mètre. Quarante pieds : environ 12 mètres.

[2] Président De Brosse. « Lettres d’Italie ». 1740.

[3] L’œuvre est perdue.

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