Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
1 septembre 2013

Semaine sainte à Grenade (9/10). Un Alhambra méconnu, celui de la Renaissance.

Le palais de Charles Quint dans l'Alhambra -  Architectures arabo-andalouse et de la Renaissance italienne

 

 

Le contraste de l’Alhambra avec le palais que Charles Quint fit construire dans les murs de l’Alhambra est absolument saisissant.

 

Charles Quint, petit-fils d’Isabelle de Castille et de Ferdinand d’Aragon, les Rois Catholiques qui conquirent Grenade en 1492, fit bâtir ce palais en 1526 pour y affirmer sa gloire. C’est un vaste édifice construit sur la base d’un quadrilatère régulier de 63 mètres de côté, aux hautes façades à la symétrie marquée.

 

Chaque façade est à deux niveaux d’égale hauteur avec, au centre, un vaste portail. Le premier niveau de la façade, située face à l’entrée de la Puerta de la Justicia, est à gros bossage comme dans les palais florentins et romains et comporte un premier étage de fenêtres surmonté d’un second avec des oculi. Cette disposition est reprise au second niveau, sur une façade lisse aux fenêtres centrées dans les travées de forts pilastres. L’égale hauteur des deux niveaux et le fort relief du premier niveau avec les bossages offre un aspect de grande puissance. Sur la façade située sur la plaza de los Aljibes, les oculi sont remplacés par de larges médaillons ornés de bas-relief et les fenêtres encadrées non plus de pilastres mais de demi-colonnes géminées qui allègent l’ensemble de la composition.

 

A cette apparence solennelle, peut-être un peu lourde, s’oppose celle légère et aérée de la cour intérieure du bâtiment, parfaitement circulaire et comportant deux étages de galeries couvertes supportées par des colonnes superposées d’ordre dorique et ionique.

 

Toute la construction du bâtiment répond aux critères des architectes de la Renaissance italienne : plan orthogonal, égalité des travées, alignement des baies, entrée d’axe, selon des principes mis en œuvre très peu de temps auparavant dans les palais italiens, à Florence le palais Rucellai est de 1455 et le palais Strozzi de 1489, à Rome le palais Farnèse est de 1513, l’aile de Bramante du palais du Vatican de 1514. C’est dire la nouveauté architecturale remarquable du palais de Charles Quint qui innove, tout en réaffirmant les grands principes de recherche géométrique de la Renaissance, avec l’intégration de la cour circulaire dans le carré du bâtiment.

 

En comparaison, le château d’Azay le Rideau est de 1518, celui de Chambord de 1519, tous les deux encore profondément marqués par l’architecture militaire du moyen âge.

 

Dans tout autre lieu que Grenade, le palais de Charles Quint serait apparu comme d’un intérêt architectural majeur. Mais voilà, ce palais est absolument antinomique des constructions au milieu desquelles il est situé même si l’on retrouve dans l’architecture nasride le goût des constructions géométriques : cours carrées ou rectangulaires, axes de symétrie… mais avec une profusion de formes qui en adoucissent les lignes droites, arcs outrepassés, brisés outrepassés, surélevés, lobés, à l’intrados orné de stalactites, forêt de colonnettes, coupoles, baies à claustras… le tout dans la recherche de l’harmonie entre de petites constructions et le paysage environnant. On ne peut imaginer symbole plus éclatant de deux civilisations différentes que la juxtaposition de ces palais dans une unité de lieu géographique.

 

Avenir avenir blé qui n’est beau qu’en gerbe
Et dont le grain se perd avant d’être meulé
Que deviens-tu sans moi ma Grenade étoilée
Ma ville au loin qui semble une barque ensablée
O mon minuit étouffé d’herbe [1]

 

Grenade, Tunis, Montpellier, mai – novembre 2001.

 


[1] Aragon. « Le fou d’Elsa ». 1963.

 

Liste des articles sur Grenade

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 841
Promenades dans Rome