Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
16 janvier 2014

Angkor (4/27). Siem Réap, la porte d’entrée des grands temples.

D'une petite ville rurale à un grand centre touristique

  

 

« Un village paradisiaque, une véritable évocation de l'âge d'or. La flore candide d'O-Taïti, bananiers, arékiers, cocotiers, baignait ses palmes dans une belle petite rivière aux eaux vertes sur lesquelles allaient et venaient des pirogues montées par des indigènes épanouis. D'autres pagayaient. D'autres, sur le seuil de leurs cases à pilotis, jouaient qui de la flûte, qui du tympanon. Tout le monde paraissait ravi, personne ne travaillait. Un Gauguin. Une page de Bernardin de Saint Pierre » [1].

 

Un village paradisiaque dont le nom signifie « défaite du Siam », ce qui laisse supposer qu’au paradis aussi il y aurait des guerres, du sang et des larmes.

 

Dans les années 90, quand les frontières du Cambodge se sont ouvertes aux étrangers, se côtoyaient deux Siem Réap.

 

Le premier ressemblait encore à celui décrit par Pierre Benoît. Le long de la rivière de Siem Réap s'égrènent des paillotes sur pilotis dans une végétation luxuriante d'arbres fruitiers, de jardins et de fleurs. Des enfants nagent, plongent dans une eau calme mais peu transparente ; ils jouent avec des chambres à air de camion, sautent, s'aspergent. Des villageois passent lentement à bicyclette et les regardent s'amuser. De grandes roues à aubes tournent doucement entraînées par le courant de la rivière. Sur leur côté sont fixés des tubes en bambou qui, arrivés en bas, recueillent l'eau puis, au sommet de leur course, la libère dans une gouttière constituée d'un demi-bambou. L'eau canalisée dans des tubes de bambou passe sous la route pour aller irriguer les jardins des maisonnettes.

 

L'autre Siem Réap est atteint par la fièvre de la spéculation avec la construction, le long de la route de l’aéroport, de grands hôtels mi verre, mi béton, mais toujours couverts d'une toiture aux faîtages en queues de Nâga [2], pour « faire couleur locale » sans doute. L'installation du bâtiment débute généralement par l'érection d'une magnifique enceinte maçonnée entourant un champ d'herbes sauvages, manière de marquer le territoire dans l'attente des autorisations nécessaires et des financements, parfois aussi manière d'essayer de mettre les autorités locales et nationales face au fait accompli. C’est ainsi les bulldozers avaient déjà préparé le terrain pour la construction d'un building dans le périmètre de la zone protégée d'Angkor ! Il fallut une très vigoureuse protestation du conservateur du groupe des monuments d'Angkor et une intervention musclée des organismes internationaux pour arrêter le projet.

 

Il n’y a plus aujourd’hui qu’un seul Siem Reap ! Une grande ville de plus de 100 000 habitants, avec d’imposants hôtels, une multitude de maisons d’hôtes, toutes sortes de restaurants - italiens, indiens, français, russes, thaïs, coréens, japonais ou internationaux – des bars, des cafés internet, des boutiques, des salons de massage, des centres artisanaux. Il faut dire, qu’en vingt ans, le nombre de visiteurs étrangers des temples d’Angkor est passé de quelques dizaines par jour (1 500 / an en 1991) à plusieurs milliers par jour (un million / an en 2010, à majorité d’origine asiatique). Les berges de la rivière Siem Reap, dans laquelle se baignaient les enfants et pêchaient les parents, sont devenues un jardin public, plantées d’arbres et bordées de deux boulevards urbains où s’alignent boutiques et restaurants.

 

Pour éviter la bétonisation de la ville, un projet de nouvelle zone de construction, de 1 000 hectares, en bordure de la ville et du parc des temples d’Angkor, est en cours de réalisation pour y implanter des hôtels, des appartements en location, des installations de loisir. Manifestement, la crise mondiale a également frappé et de nombreux immeubles ne sont pas terminés ou sont inoccupés.

 


[1] Pierre Benoît. « Le roi lépreux ». 1926.

[2] Nâga : Serpent mythique, polycéphale, génie des eaux.

Commentaires
S
magnifique Angkor ! a voir une fois au moisn
Répondre
Visiteurs
Depuis la création 989 883
Promenades dans Rome