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Notes d'Itinérances
5 février 2023

Trastevere et Lungaretta (9/19). La bienheureuse Ludovica Albertoni.

L'église San Francesco a Ripa - Baroque et mise en scène

 

 

« Notre objectif est la Beata Ludovica Albertoni, qui depuis près de trois siècles agonise et se pâme dans une chapelle de San Francesco a Ripa. L’œuvre est également du Bernin, la dernière avant que le maître ferme boutique pour aller au ciel sculpter les nuages (…). On reste pantois devant cet entrelacement bienheureux de la vie et de la mort, comme devant la prouesse d’une grande actrice qui dans l’instant va se relever pour recueillir les applaudissements » [1].

 

L’église San Francesco d’Assisi a Ripa Grande  est une église de quartier située à l’extrémité du Trastevere. Elle peut évoquer une nouvelle de Stendhal des « Chroniques italiennes » mais elle est plus connue pour la statue de la bienheureuse Ludovica Albertoni (1674) du Bernin (photo). L’intérieur présente un fatras de saint-sulpiceries fin XIXe siècle à destination d’une foi de charbonnier qui serait d’usage dans la population modeste du quartier. Quelques paroissiens en prière ignorent superbement l’objet situé dans la quatrième chapelle à gauche que de rares farfelus, amateurs de baroque, viennent voir. On supporte manifestement avec peine notre présence même si et manifestons une admiration sans bornes de l’œuvre (dans un silence religieux !). 

 

Stendhal note laconiquement : « La bienheureuse Héloïse (…) est représentée mourante. Les draperies sont maniérées, mais les parties nues fort belles ». La bienheureuse Ludovica (et non Héloïse !) est dans une pose d’abandon quasi érotique que Dominique Fernandez décrit ainsi : « Sa tête rejetée en arrière, elle ferme les yeux, entrouvre la bouche, presse son sein à travers le fouillis des étoffes, au comble d’une exaltation qui est sur le point de lui faire perdre les sens ». Ce qui pour une représentation de la sainteté est assez troublant ! Mais n’avons-nous pas une scène similaire avec la Transverbération de Sainte-Thérèse à Santa Maria della Vittoria ? Fernandez fait une proposition [2], étonnante peut-être, mais logique. L’architecture baroque est composée comme un décor de théâtre. Ce n’est donc pas une sainte qui est représentée mais l’héroïne d’un opéra italien qui agonise avec tout ce qu’il faut de théâtralité pour toucher le spectateur douillettement enfoncé dans son fauteuil : Violetta au troisième acte de la Traviata, Giulietta expirant de chagrin après la mort de Roméo, Leonora au quatrième acte du Trouvère. Toutes ces jeunes et belles héroïnes qui meurent après des imbroglios invraisemblables. Simplement, Ludovica meurt d’amour pour le Christ et se livre aux mêmes excès théâtraux. Qui était cette bienheureuse Ludovica Albertoni dont la réputation ne semble pas avoir dépassé les limites du Trastevere ? Préoccupé par la descendance de sa famille, en 1669, le vieux cardinal Emilio Altieri voulut que sa nièce, dernière représentante des Altieri, épouse Gaspare Paluzzi Albertoni auquel il imposa de prendre le nom d’Altieri afin de conserver ce nom de famille. L’année suivante, Emilio Altieri devint pape sous le nom de Clément X (1670 / 1676) et son neveu, devenu Altieri, reçut les titres de prince de Oriolo et Viano, duc de Monterano, et devint le personnage le plus important de la cour pontificale. A un si puissant neveu il fallait une généalogie prestigieuse, il s’activa auprès du Saint-Père pour que son aïeule, Ludovica Albertoni (1474 / 1533), connue pour ses dons de lévitation (!), ses extases religieuses et sa charité envers les pauvres, objet local de vénération, soit déclarée bienheureuse (1671). Le tout étant gravé dans le marbre par Le Bernin pour les siècles des siècles.

 

Le peintre Giorgio de Chirico (1888 / 1978) est inhumé dans la chapelle de l’Immaculée conception.

 

En sortant, à gauche, par la via della Luce (un nom prémonitoire !), on atteint une voie où sont situés quasiment côte à côte  [3]les cinémas « Nuovo Sacher » de Nanni Moretti, dédié aux films d’art et essai, et « Troisi », de jeunes fondus du cinéma toutes catégories. A droite, le Palazzo degli Esami (Palais des Examens), de 1912, a été conçu par le Bureau spécial des ingénieurs civil. En 2016, un ambitieux projet de réaménagement urbain l’a rendu à la ville en tant que centre d'exposition pour des expositions internationales temporaires. Un petit peu plus loin, dans la Viale di Trastevere, aux n°165/171, le très curieux magasin de cierges et bougies Di Giorgio.

 


[1] Marco Lodoli. « Iles – Guide vagabond de Rome ». 2005.

[2] Dominique Fernandez. « Le voyage d’Italie ». 1997.

 [3] Nuovo Sacher, Largo Ascienghi, 1 - Cinema Troisi, Via Girolamo Induno, 1 - Trastevere.

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