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Notes d'Itinérances
3 février 2023

Trastevere et Lungaretta (8/19). Santa Maria dell’Orto et Giovanni Baglione.

Un rival du Caravage, désormais un peu oublié

 

Santa Maria dell'Orto est l'église du petit peuple du Trastevere. Son origine est due à un miracle : en 1488, dans cette zone comprenant jardins et potagers, un fermier malade aurait fait un vœu à la Vierge devant une image accrochée à un muret ; miraculeusement guéri, les habitants du quartier décidèrent de construire une petite chapelle pour célébrer l'événement. Pour organiser et pérenniser le culte de la madone miraculeuse, la Madonna dell'Orto (du jardin), il fut décidé de créer une confrérie, reconnue en 1492 par le pape Alexandre VI Borgia. Transformée en archiconfrérie [1] en 1588, la Vénérable Archiconfrérie de Santa Maria dell'Orto, est toujours responsable de l’église. Sur le maître-autel est disposée l’image à l’origine du miracle et de l’église. 

 

L’archiconfrérie a bénéficié de dons importants des douze Universités des Arts et Métiers du quartier, jardiniers, pizzicaroli (bouchers), fruitiers, marchands, courtiers, jemolinari (meuniers), vermicellari (fabricants de pâtes), pollaroli (volaillers), scarpinelli (cordonniers), mosciarellari (marchands de châtaignes), vignerons et barilari (fabricants de barriques), car à proximité était situé le port de Ripa Grande, plaque tournante des échanges notamment alimentaires de Rome. Les corporations ont rivalisé entre elles pour doter l'église des décorations les plus somptueuses, marbres, stucs, sculptures, peintures (Federico Zuccari, Filippo Zucchetti, Giovanni Baglione…), signalées chacune par des cartouches spécifiant le nom du donateur. La façade a été commencée par Giacomo da Vignola et achevée par Francesco da Volterra en 1577 [2]. L’église est rouverte depuis 2009 après avoir été fermée 50 ans !

 

La visite de l’église est l’occasion de voir des peintures de Giovanni Baglione (1573 / 1643) qui fut un rival du Caravage. Baglione a d’abord travaillé avec les derniers peintres maniéristes, le Cavalier d'Arpin, Cesare Nebbia, Giovanni Guerra. Il a reçu ses premières commandes du pape Sixte Quint Peretti pour les fresques de la Scala Santa (Passion du Christ, Moïse sauvé des eaux) et Saint-Jean-de-Latran (Saints Philippe et Constantin offrant des vases d'or à Sylvestre). Il réalise des fresques à la basilique Santa Pudenziana (Vie de saint Pierre) et à l'église Santa Maria dell'Orto en 1598 / 1599 (Vie de Marie, Saint Sébastien guérit par les Anges, Saint Charles-Borromée, Saint Ambroise, Saint André…).

 

C’est à cette époque qu’il aurait été influencé par les œuvres du Caravage lequel devint célèbre après la réalisation de la chapelle Cantarelli à l’église Saint-Louis-des-Français (1599). On sent l’influence du Caravage dans son saint Sébastien (photo), fond noir, contrastes de couleurs avec la draperie mauve, mouvement, action spectaculaire, en regard de ses autres œuvres de Santa Maria dell'Orto, plus symboliques ou plus affectées. Irrité par l’imitation de sa technique, Le Caravage et ses amis (Onorio et Dario Longhi, Orazio Gentileschi) ridiculisent Baglione dans des poésies satyriques. En 1603, ce dernier intente un procès à l’issue duquel Le Caravage est obligé de quitter Rome. Baglione a ensuite abandonné le style caravagesque [3] mais sa carrière a continué avec des commandes pour la basilique Saint-Pierre, en 1607, la chapelle Paolina de la basilique Santa Maria Maggiore, en 1611-1612. Le pape Paul V l'ordonne chevalier de l'Ordre du Christ pour son travail dans la basilique Saint-Pierre. En 1618, il est « Prince » de l'Académie de Saint-Luc [4]. Aujourd’hui, Baglione est moins apprécié car son œuvre apparait sans reliefs et l’on a oublié les codes symboliques de lecture de ses œuvres. C’est Caravage qui est désormais à la mode car le public est sensible au réalisme de la représentation et à une peinture en rupture avec les règles artistiques de son temps. 

 

L’église est devenue celle de la communauté catholique japonaise car, le 8 juin 1585, la première délégation japonaise à Rome [5], de quatre jeunes nobles chrétiens, aurait échappé à une tempête en mer après avoir invoqué Santa Maria dell'Orto visitée le matin !

 


[1] Une archiconfrérie regroupe plusieurs confréries aux attributions similaires.

[2] La façade surmontée de onze flèches de pierre (des obélisques ?), probablement ajoutées en 1762.

[3] Andreas Gräfenstein. « Les grands duels de l’art - Caravage versus Baglione ». 2017. Diffusé sur Arte.

Dervaux, Alain. « Les passages à l'acte dans la vie et l'œuvre du Caravage (1571-1610) ». In « L'information psychiatrique ». Volume 82 n°6. 2006.

[4] Directeur de l’Association des artistes de Rome, fondée en 1577 et très active à partir de Federico Zuccari.

[5] L’ambassade dans l’histoire : « 1582 / 1592, une ambassade ». Nicolas Bouvier. « Chronique japonaise ». 1989.

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