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Notes d'Itinérances
7 février 2023

Trastevere et Lungaretta (10/19). La Place Mastai souvenir de Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky

La manufacture papale de tabac - Une place où l'on croise un grand poéte français

 

 

Par la via San Francisco a Ripa on retrouve la Viale di Trastevere, une large avenue ouverte en 1886, avec une de ces pâtisseries indigestes de la fin du XIXe siècle, il Ministero dell'Istruzione (L’Éducation nationale), construit dans le cadre de Rome-Capitale. 

 

La place Mastai tire son nom de celui du pape Pie IX Mastai Ferretti (1846 / 1878) qui a fait construire sur ce site une Manufacture pontificale de tabac en 1863, pour y fabriquer des cigares alors très à la mode. L’emplacement avait été choisi pour sa proximité avec le port de Ripa Grande par lequel transitaient les feuilles de tabac, et parce qu’il existait des espaces disponibles pour les bâtiments de la manufacture et des logements. Le bâtiment, de style néoclassique, comporte un avant corps central avec huit colonnes doriques colossales supportant un grand pignon triangulaire. Il a été rénové en 1927, et affecté au département chargé des monopoles d’Etat. 

 

Au centre de la place est positionnée une fontaine en marbre [1] de 1865 composée d’une grande vasque portée par les queues entremêlées de quatre dauphins à la manière de la fontaine du Triton du Bernin, surmontée ensuite d’une vasque plus petite portée par des putti. Autour de la place située devant la manufacture, avait été érigé un quartier de maisons à loyer réduit pour servir de logement aux ouvriers. Le « district Mastai » est considéré comme le premier quartier de logements sociaux à Rome. 

 

Le quartier du Trastevere a connu les premières années d’un grand poète français, au n°17 de la Piazza Mastai, dans une maison aujourd’hui disparue : Guglielmo Alberto Wladimiro Alessandro Apollinare de Kostrowitzky, autrement dit : Apollinaire ! Apollinaire est né à Rome le 25 août 1880 (mais déclaré le 26), d’une mère polonaise, Angelica de Kostrowitzky, et peut-être d’un père italien, Francesco Fulgi d'Aspremont, sans que l’on sache très bien s’il est né dans le rione de Monti, Via Nazionale, ou dans celui du Trastevere [2]. Angelica et ses fils vivent d’abord à Rome, puis vers 1883 / 1884, à Bologne. Guillaume apprend à lire et à écrire en italien, sa mère lui parlant polonais et italien. 

 

« Jeunesse adieu jasmin du temps 
J’ai respiré ton frais parfum
A Rome sur les chars fleuris 
Chargés de masques de guirlandes 
Et des grelots du Carnaval » [3].

 

Apollinaire deviendra un grand poète français car c’est dans cette langue qu’il écrira. Apollinaire ne sera naturalisé Français qu’en 1916, la République ayant refusé de l’accueillir dès 1914 alors qu’il s’était porté volontaire pour aller au front ! Le refus de naturalisation des étrangers ne date donc malheureusement pas d’aujourd’hui alors que ces « étrangers » sont un élément majeur du développement de la culture française : Balthus, Marc Chagall, Fujita, Hans Hartung, Pablo Picasso, Van Dongen (pour les peintres), Blaise Cendrars, Mohamed Dib, Romain Gary, Joseph Kessel, Elsa Triolet, Henri Troyat, Tristan Tzara (pour les écrivains), Samuel Beckett, Eugène Ionesco (pour les dramaturges), Lautréamont, Jules Supervielle (pour les poètes), Joséphine Baker, Serge Lifar (pour les danseurs)… Je ne peux pas les citer tous ! Apollinaire gardera des liens avec sa patrie d’origine, se faisant soigner à l’hôpital italien après sa blessure à la tempe par un éclat d’obus, mais aussi en s’intéressant au mouvement futuriste naissant. 

 

Juste hommage au poète français, né romain, la bibliothèque du Centre des études italo-françaises, constituée à l'origine comme bibliothèque de l'ambassade de France à Rome sous le nom de « Bibliothèque française de Rome », a été offerte en 1995 à l'Université Roma Tre et baptisée « Bibliothèque Guillaume Apollinaire ». Elle est située Via del Valco di San Paolo, dans le quartiere d'Ostiense..

 


[1] Sovrintendenza Capitolina ai Beni Culturali. « Fontana di Pio IX in Piazza Mastai ».

[2] Corriere della Sera. « Guillaume Apollinaire e' " monticiano " , non " trasteverino " ». 18/02/1996.

[3] Guillaume Apollinaire, « Les collines » in « Ondes, Calligrammes ». 1918. Texte reproduit sur la plaque apposée place Mastai à l’emplacement de la maison où avait vécu Guillaume Apollinaire.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur l'île Tibérine et le Trastevere

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