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Notes d'Itinérances
8 juin 2016

Luanda, la perle de l'Afrique (21/26). Le parcours semé d’embuches du visiteur.

Difficile de rapporter un petit souvenir – Et tout aussi aléatoire d’envoyer des cartes postale

 

 

Une fois les objets-souvenirs achetés, il faut aller s’acquitter des droits à l’exportation dans un petit bureau situé à côté du « Palais de fer ». Le Palais de fer est un élégant édifice sorti des ateliers de Gustave Eiffel, le constructeur de ponts et de la tour du même métal ! Il est aussi appelé « la fierté française en Angola », c’est pourquoi l’ambassade de France élabore de multiples projets de restauration et de transformation du bâtiment en lieu culturel pour la diffusion de la culture française. Mais, si j’ai à chaque fois entendu parler de ces projets, je n’en ai jamais vu un début de réalisation.

 

Ce palais est situé sur la rue Major Kanyangulo et l’on ne sait pas très bien comment il est arrivé là ! Un navire transportant la structure en pièce détachée, construite dans les années 1890 en France et destinée à Madagascar, aurait été dérivé par le fameux courant de Benguela et se serait échoué. La structure aurait alors été achetée par une firme commerciale d'exploitation de canne à sucre et érigée à Luanda en 1902. De fait, en 1889, les ateliers Eiffel présentaient à l’exposition universelle de Paris, une maison métallique en kit, servant de billetterie, laquelle fut remontée après l’exposition à Dampierre-en-Yvelines [1]. Deux exemplaires d’un autre modèle de l’exposition, plus grande et avec deux niveaux de galeries pourtournantes à l’image du palais de fer, ont été achetés et montés à Iquitos au Pérou (« casa de fierro »). Un modèle encore différent, entièrement en métal, a été érigé à Maputo (« casa de ferro ») pour le gouverneur général du Mozambique ; trop chaude, elle n'a jamais été habitée. Le bâtiment luandais évite cet inconvénient en pays tropical car seule la structure est métallique, murs et planchers étant en bois. Avant ces réalisations, un pavillon en fer démontable avait été conçu à l'occasion de l'inauguration du Canal de Suez, en 1866, pour l'Impératrice Eugénie laquelle en fit cadeau au Roi Norodom Ier, pavillon que l’on peut voir aujourd’hui dans le palais royal à Phnom-Penh. Après l’Indépendance, le Palais de fer a été abandonné, puis a servi de siège à quelques services de l’Etat. De fait, il aurait bien besoin d’une bonne restauration [2] !

 

Dans une cabane, derrière une table de bois blanc, la préposée perçoit les droits d’exportation, cinq cent kwanza par objet, soit environ 10 centimes. Elle colle alors sur chaque objet, avec un pinceau et de la colle blanche, une vignette attestant que vous n’exportez pas une œuvre d’art authentique et que vous avez bien acquitté la taxe. Comme les étrangers ont rarement de petites coupures à leur disposition, ils payent avec un billet de cinq mille ou dix mille kwanza. La préposée ne disposant jamais de la monnaie nécessaire vous n’avez plus qu’à offrir la différence en pourboire, différence qui est bien évidemment très supérieure à la taxe acquittée.

 

Outre l’achat de petits souvenirs, le visiteur étranger doit également s’acquitter de l’envoi de cartes postales attestant qu’il s’est bien rendu en Angola pendant son absence. C’est plus facile à dire qu’à faire, car les librairies sont inexistantes et seules les boutiques de souvenirs des hôtels internationaux, quand elles sont ouvertes, peuvent en offrir quelques exemplaires : vues de la Marginal, du fort Saint-Michel ou de la place Kinaxixi. Une année, nous eûmes la chance de disposer de cartes dessinées par des artistes et, une autre fois, de n’avoir que des vues des principales villes d’URSS !

 

Dernière embuche, acheter des timbres et poster les cartes. Il faut alors se rendre à la poste principale de Luanda, un grand bâtiment jaune dans la Baixa, le vieux Luanda, sur la place Fernando Coelho da Cruz. Le vaste hall intérieur présente une série impressionnante de guichets, expédition des colis, recommandés, mandats postaux, télégrammes, philatélie, mais tout est désert derrière les guichets. Seul un employé vend des timbres, pour l’étranger uniquement car il n’y a plus aucune activité postale dans le pays. La seule chose qui fonctionne, c’est le départ du courrier international et son retour dans des boites postales. Comme le téléphone avec les provinces ne fonctionne plus non plus, il n’y a aucune possibilité d’avoir des nouvelles de sa famille si elle vit dans une autre province. Ce qui fait dire aux gens que nous côtoyons « On ne sait pas, peut-être sont-ils morts ? ».

 

Après, il ne reste plus qu’à attendre que le transfert des cartes postales se fasse…

 


[1] Sa conception en reviendrait à l’ingénieur Bibarios Duclos, proche de Gustave Eiffel (note de 2015).

[2] Abandonné durant les vingt-sept années de guerre civile, le Palacio de ferro est finalement rénové en 2009 par la société brésilienne Odebrecht grâce au financement du diamantaire angolais Endiama. Il abrite aujourd’hui la fondation culturelle Sindika Dokolo. Michael Pauron. « Angola : à Luanda, dans les coulisses du Palais de fer ». Jeune Afrique. 08/08/2018.

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