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Notes d'Itinérances
23 janvier 2019

Iran - Histoire et architecture (11/19). Les Timourides (1370 / 1507) – Portail du tekiyeh Amir-Chaghmaq / Yazd

Autre époque sanguinaire - Hâfez, un interprète de l’invisible

 

 

En 1335, le dernier Ilkhân meurt sans héritier et l’empire se désagrège en Etats indépendants.

 

Tamerlan, ou Timour le Boiteux, né en 1336 en Ouzbékistan, conquiert une grande partie de l'Asie centrale et occidentale et fonde la dynastie des Timourides qui règnera jusqu'en 1507. Il règne par la terreur, le nombre des morts de ses campagnes militaires serait de 1 million à 17 millions de personnes (soit environ 5 % de la population mondiale de l'époque) ! Seuls y échappent les artisans qu'il déporte à Samarcande, sa capitale, pour ériger des monuments et y développer les arts. 

 

Cette période est marquée à la fois par les styles seldjoukide et mongol. Les mosquées sont édifiées selon un plan à quatre iwans avec de grands iwans et des décorations intérieures et extérieures globalement très travaillées. Les dômes sont souvent en forme d’oignon et l’usage de la couleur or pour orner les céramiques bleues se développe. 

 

Le complexe Amir-Chaghmaq a été construit au XVe siècle par Jalal-al-Din Amir-Chakhmaq, gouverneur de Yazd pendant la dynastie Timouride. Il comprenait une mosquée (1437), un bazar, un caravansérail ainsi qu’un tekiyeh, une salle dans laquelle les Chiites commémorent le martyre de l'imam Hossein. De ce tekiyeh, il ne reste plus que la façade à deux étages d’alcôves en arc brisé, surmontées au centre par une loggia de trois arcades et deux très hauts minarets. Ce spectaculaire fronton a été restauré à l’époque qâdjâr. La salle du tekiyeh a été détruite et il n’en reste que le fronton. Lors des processions d’Achoura qui commémorent l’assassinat de l’imam Hossein par le califat omeyyade de Kerbala (Irak), le public peut désormais s’installer dans ces tribunes pour assister aux processions du deuil. Les tribunes latérales, détruites, ont été reconstruites en 2005 pour redonner cohérence à l’ensemble [1].

 

Difficile d’évoquer cette période sans se souvenir qu’elle fut celle pendant laquelle vécut Hâfez (« Celui qui connaît par cœur le Coran »), de 1325 à 1390. Dans le Fârs, de 1314 à 1393, s’était créée une courte dynastie, les Muzaffarides, descendants d’un gouverneur au service des Ilkhânides. La dynastie, installée à Shirâz et dont un des souverains importants fut Shâh Shujâ, s’acheva dans les luttes intestines, puis par la conquête du Fârs par Tamerlan en 1393. On connaît peu de choses de la vie de Hâfez : il est né et mort à Shirâz, une ville qu’il ne quitta presque jamais, son œuvre comprend plus de 500 poèmes, dans la forme du ghazal [2] dont Hâfez est le maître. Il avait pour nom de plume « Lessân-ol-Gheyb » (« Langue de l’Invisible ») [3]. C’était un homme pieux, mystique, rejetant les hypocrites et les bigots qui falsifient la religion.

 

Avec Sa’di et Khayyâm, Hâfez est certainement le plus connu des poètes persans en Europe [4]. Goethe lui a consacré une partie de son « West-Östlicher Diwan » (1819), lequel a influencé les Romantiques français, Lamartine, Victor Hugo, Gérard de Nerval. 

 

Le Divan de Hâfez ne se lit pas seulement comme un recueil de poésie. La richesse symbolique de sa poésie explique certainement pourquoi Hâfez est considéré comme l’interprète des mystères. Il est un messager du divin et de l’avenir. Au travers de la lecture de sa poésie les Iraniens cherchent à résoudre un problème ou questionner l’avenir. Outre que les Iraniens connaissent des dizaines de poésies de Hâfez, chaque famille possèderait un recueil de ses poèmes, on ouvre le livre au hasard et l’on essaye d’en deviner les prédictions… Les romanciers iraniens contemporains font d’ailleurs souvent référence à cette pratique.

 


[1] Mireille Ferreira. « Yazd, ville-oasis du centre de l’Iran ». La Revue de Téhéran. N°74. Janvier 2012.

[2] Dans le ghazal chaque distique est composé de deux vers d'égale longueur, le second se terminant par un mot ou groupe de mot identique dans chaque distique (le refrain), mot que l'on retrouve par ailleurs à la fin du premier vers du ghazal ; de plus, le dernier distique contient en général une allusion à l'auteur du poème.

[3] Amir Borjkhânzâdeh. « En souvenir de Hâfez, l’un des plus grands poètes iraniens ». La Revue de Téhéran. N°12. Novembre 2006.

[4] Majid Yousefi Behzâdi. « L’Iran sentimental des romantiques : Hugo, Lamartine ». La Revue de Téhéran. N°71. Octobre 2011.

 

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