Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Notes d'Itinérances
19 novembre 2022

Romaines ! (6/25). Fiammeta de Michelis (1465 / 1512).

Rione Ponte / Piazza Fiammetta

 

 

Vers la fin de la via dei Coronari en allant vers la piazza Navona, il y a, sur la gauche, une étroite ruelle (la via di tre Archi) qui par un parcours en baïonnette avec le vicolo di San Trifone, vous conduit à la piazza Fiammetta. La place tire son nom de celui de la maison située au n°16 connue sous le nom de « Casa di Fiammetta », car elle a appartenu à la célèbre courtisane Fiammetta Michelis [1]. La maison a été construite au XVe siècle, érigée en briques, précédée d’un portique à deux arcs avec deux colonnes et des piliers aux angles. La maison a ensuite été surélevée d’un étage. Rachetée par la famille Bennicelli, au début de XXe siècle, celle-ci a placé ses armes sur la balustrade du balcon.

 

Fiammetta de Michelis, florentine de naissance, arrive à Rome en 1478, à l’âge de 13 ans, avec sa mère, prostituée. Elle devient l'amante du cardinal Jacopo Ammannati Piccolomini qui meurt en 1479 et la désigne comme son héritière ! Bien que les mœurs à la cour pontificale soient alors fort « libres », cela fait scandale et le pape Sixte IV della Rovere (1471 / 1484) fait examiner le testament par une commission qui liquide la succession. Sixte IV fait néanmoins « acte de charité » en attribuant une partie conséquente des biens du cardinal à Fiammetta Michelis « pour l'amour de Dieu et de lui fournir une dot » : un vignoble et trois maisons dont une au n°157 de la via dei Coronari et celle de la place qui porte désormais son nom. Il n’est pas sûr qu’elle y ait habité, mais plus vraisemblablement elle aurait loué ces maisons.

 

La renommée de Fiammetta grandit et, en 1493, elle est l'amante de César Borgia (1475 / 1507), cardinal, condottiere, mécène et assassin, fils du pape Alexandre VI Borgia (1492 / 1503) qui n’était évidemment pas un modèle de vertu. Fiammetta de Michelis est morte en février 1512, enterrée vraisemblablement, selon sa volonté, à l'intérieur de l'église Sant‘Agostino dans la première chapelle à gauche qui lui appartenait dès 1506. Toutes traces de sa sépulture à Sant‘Agostino ont aujourd’hui disparu, comme celles de Giulia Campana et ses filles Tullia d'Aragon et Penelope, autres courtisanes de haut rang qui y auraient été enterrées. Dans « Dialogo del Zoppino » [2], de 1539, il est écrit « La Fiammetta avait encore une belle fin, et j'ai vu à Sant‘Agostino sa chapelle ».

 

La prostitution dans la Rome papale de l’époque se compose alors de différentes catégories. Fiammetta fait partie de la catégorie dite des « courtisanes honnêtes », celles qui côtoient les classes les plus élevées de la Rome papale, apprécient les arts, sont susceptibles de soutenir une conversation. Ces courtisanes habitent généralement dans le quartier de Ponte. Les « courtisanes de bougie » sont de la plus basse condition, celles « de jalousie » attirent les clients de leur fenêtre, celles dites « dominicales » pratiquent le métier seulement le dimanche. En 1526, il y aurait eu 1 500 prostituées recensées à Rome pour une population de 60 000 habitants, soit 3% de la population ce qui est un chiffre conséquent, avec une population ecclésiastique qui était importante [3] sans compter les pèlerins de sexe masculin très nombreux ! Sixte IV qui cherchait comment financer les travaux de la chapelle Sixtine a poussé l’imagination et l’audace jusqu’à mettre en place une taxe spéciale sur ces pauvres filles ainsi que sur les prêtres ayant des maitresses. La taxe lui aurait rapporté une somme de 20 000 ducats chaque année. Et voilà comment nous pouvons aujourd’hui admirer les fresques de Michel-Ange !

 


[1] Giulia Chesi. « Fiammetta e la sua piazza » (Fiammetta et sa place). Facoltà̀ Scienze della Formazione, Corso di Studio, Formazione e Sviluppo Risorse Umane. 2002 / 2003. 

Claudio Rendina. « Fiammetta, l'amante dei porporati ». (Fiammetta l’amante des « empourprés »). La Repubblica. 15 avril 2007.

Antonio Venditti. « La Casa di Fiammetta, una cortigiana onesta ». (La maison de Fiammetta, une courtisane honnête). In Specchioromano - Réseau télématique de la culture. 2003 / 2008. 

[2] « Ragionamento del Zoppino fatto frate, e Lodovico puttaniere, dove contieni la vita et genealogia di tutte le cortigiane di Roma », 1539, (Dialogue d’un boiteux devenu Frère, et Ludovico, putassier, où sont contenues la vie et la généalogie de toutes les courtisanes de Rome) est attribué à tort à l’Arétin d’après Guillaume Apollinaire.

[3] A la fin du XVIe siècle, Rome comptait une population religieuse de 6 000 personnes pour 100 000 habitants environ. 

 

Liste des promenades dans Rome par thèmes et Liste des articles sur les Romaines

Télécharger le document intégral

Commentaires
Visiteurs
Depuis la création 989 968
Promenades dans Rome