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Notes d'Itinérances
11 mars 2024

Portugal - Lisboa rime avec Pessoa (2/16). Le passant de Lisbonne.

Un piéton, flottant et irréel, et ses doublures

 

 

 « Sur le visage de la ville inachevée
coule
le sang de la poésie » [1].

 

Si Lisbonne reste habitée de tous les rêves de conquêtes de terres lointaines, elle l’est désormais également par la silhouette floue d’un petit homme en imperméable et nœud papillon arpentant les trottoirs composés de pavés noirs et blancs disposés en mosaïques. 

Comme Prague l’est avec Kafka, Lisbonne est aujourd’hui habitée par le fantôme de Fernando Pessoa.

 

Sauf pour une courte période de sa jeunesse pendant laquelle il vécut à Durban, en Afrique du Sud, Fernando António Nogueira Pessoa (Lisbonne 1888 / Lisbonne 1935) n’a jamais quitté Lisbonne. Mais plus que l’attachement du grand écrivain à sa ville, la vie même de Pessoa lui a donné une autre dimension, un « destin » à la fois imaginaire et tragique. Imaginaire, parce que Pessoa avait développé une réflexion sur la vie et sur lui-même qui le situait perpétuellement dans un ailleurs chimérique comme celui développé par les grands navigateurs, marins et commerçants portugais.

 

 « Je ne suis personne, personne. Je suis le personnage d’un roman qui reste à écrire, et je flotte, aérien, dispersé sans avoir été, parmi les rêves d’un être qui n’a pas su m’achever » [2]

 

Mais aussi la dimension d’un destin tragique du fait de l’existence menée par Pessoa, écrivain méconnu de ses compatriotes de son vivant, qui n’édita qu’un seul livre et vécut pauvre voire misérable, vivant une petite existence de comptable ou de rédacteur en anglais du courrier international d’une entreprise d’import-export. Un destin tragique comme celui du vaste empire portugais évaporé.

 

« On dit ?
On oublie.
On ne dit pas ?
On devrait dire.
On fait ?
Fatal.
On ne fait rien ?
Égal.
Pourquoi
Attendre ?
Tout est
rêve » [3].

 

Cette vie flottante, irréelle, Pessoa la remplit en imaginant et multipliant des personnages, d’autres « lui-même », ses hétéronymes, « ...Pessoa a toujours fait - à tout le monde et à lui en premier - l’effet d’un nom d’emprunt sous un petit chapeau et derrière des lunettes ovales » [4].. Cette vie au cours de laquelle Pessoa a arpenté les quartiers de Lisbonne finit par faire de lui le fantôme de la ville. Partout vous pouvez le croiser, à Baixa, au Chiado, au Bairro Alto, moins peut-être à Alfama, mais aussi au Campo de Ourique, au Rato, jusqu’à Benfica. Il occupe tout l’espace réel et imaginaire de Lisbonne.

 

Sonhei que estava em Portugal
A toa, num Carnaval em Lisboa
Meu sonho voa, além da poesia
E encontra o poeta em Pessoa [5]

J’ai rêvé que j’étais un jour au Portugal
En goguette, à Lisbonne au Carnaval
Mon rêve s’envole, au-delà de la poésie
Et rencontre le poète en Personne

 

[1] Vigilio de Lemos. « Lisbonne, dialogue gratuit ». In « Lisbonne n’existe pas ». 1996.

[2] Bernardo Soares / Fernando Pessoa. « Le livre de l’intranquillité ». 1913-1935.

[3] Fernando Pessoa.

[4] Eric Sarner, Michelanxo Prado. « Une lettre trouvée à Lisbonne ». 1995.

[5] Morais Moreira / Cristina Branco. « Ulisses ». 2005. Jeux de mot sur le nom de Pessoa qui veut également dire « personne » en portugais.

 

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