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Notes d'Itinérances
17 octobre 2023

Pigna - Entre les places de Venise et de Minerve (5/23). La via del Plebiscito et les madonnelles.

La façade du palais Doria-Pamphili - Les "madonnelles" de Rome

 

 

La rue partant vers l’ouest de la Piazza Venezia porte le nom curieux de Via del Plebiscito (rue du Plébiscite) ! En 1870, le roi d'Italie Victor-Emmanuel II décide, suite à la défaite française de Sedan (2 septembre) contre les États allemands coalisés et du retrait des troupes françaises de Rome, de terminer l’unification de l’Italie en annexant la ville sainte. Le 20 septembre, après cinq heures de bombardement, l'artillerie italienne opère une brèche dans la muraille de Rome, près de la Porta Pia, brèche dans laquelle s’engouffrent fantassins et bersaglieri, à 10h00 du matin, mettant ainsi fin au pouvoir temporel des papes. Cette annexion est validée par un plébiscite, le 2 octobre 1870, aux résultats écrasants : 40 785 « oui », contre 46 « non » à Rome, et 133 681 « oui » contre 1 507 « non » pour l’ensemble des États pontificaux. 

 

Auparavant, la Via del Plebiscito était tout simplement dénommée la Via del Gesù, parce qu’elle reliait la place de Venise au parvis de l’église du Gesù. La première partie de la rue est dominée, à droite, par la façade du palais Doria Pamphili, lequel a aussi des façades sur le Corso et sur la Piazza del Collegio romano et comprend pas moins de cinq cours intérieures ! La façade sur le Corso Vittorio Emanuele date de 1743. C’est un ensemble massif et imposant de quatre étages, en trois parties et dont la façade est animée par des portes cochères monumentales et des balcons aux formes très baroques. 

 

Sur la façade du palais Doria Pamphili, côté Via del Plebiscito, a été placée une imposante Madonnella (madonelle ou madonnelle - photo). Une madonelle est un petit oratoire, généralement placé en hauteur sur la façade d’un immeuble ; elle peut être une plaque, une sculpture, une mosaïque, une statue, une terre cuite ou une toile peinte représentant le plus souvent une madone, d’où son nom, bien qu’il existe des madonelles représentant le Christ ou un saint. Il y en aurait encore plus de 600 dans Rome même si nombre d’entre elles ont disparu [1]. Elles sont souvent placées dans un renfoncement ou protégées par un petit auvent et sont souvent accompagnées d’une veilleuse. Ici, c’est une toile peinte, de forme ovale, représentant une madone, en buste, les mains jointes, sans l’enfant. Des draperies vaporeuses, en stuc, l’entourent ainsi que des rayons de lumière. Un ange porte le cadre alors que des putti s’élèvent au-dessus. Cette madonelle aurait été commandée par les locataires du palais après en avoir demandé l’autorisation, le 12 Juillet 1796, au prince Andrea IV Doria Pamphili [2]. C’est que, le 9 du même mois, de nombreuses madonelles romaines auraient connu des manifestations miraculeuses : mouvements oculaires, voire même pour certaines, des pleurs ! Ces miracles ont été attribués à la grande préoccupation de la sainte Vierge pour la ville-sainte et les États-pontificaux car les armées de la nouvelle République française avaient écrasé les Autrichiens et occupaient progressivement le Piémont et la Lombardie au cours de la campagne d’Italie, menaçant les États pontificaux ! 

 

Cette manifestation des madonnelles, en 1796, n’en est pas moins curieuse. En effet, je n’ai pas trouvé trace de faits similaires quand les troupes françaises occupèrent Rome en 1798 (à moins que le miracle de 1796 soit prémonitoire de l’occupation de 1798 ?), pas plus quand celles de la IIe République française investirent Rome en 1849 (mais il est vrai que c’était pour rétablir le pouvoir du pape contre les « révolutionnaires » mazziniens et garibaldiens : elles auraient donc dû sourire !), ni quand les troupes royales italiennes annexèrent Rome en 1870 ; rien non plus quand les nazis occupèrent Rome en 1943 ou déportèrent les juifs du ghetto. Faut-il en conclure que, pour les madonelles, l’ennemi c’est d’abord la Révolution française [3] ? Allons, ne soyons pas mesquins, elles sont adorables ces madonnelles. Elles continuent la tradition antique des autels élevés aux dieux Lares et Pénates [4] mais sont aussi l’expression populaire du culte voué à la mère du Christ, ce qui n’est pas sans faire penser aussi à une résurgence des cultes du paléolithique à la déesse-mère ! Permanences et changements…

 


[1] Le site photoroma présente les photographies de plus de 150 madonelles, classées par quartier !

[2] Voir le très beau site Roma Segreta. 

[3] Jean-Marie Sansterre. « Vivantes ou comme vivantes : l’animation miraculeuse d’images de la Vierge entre Moyen Âge et époque moderne ». In « Revue de l’histoire des religions 2 ». 2015/2.

[4] Dans l’antiquité, les Lares et les Pénates étaient les gardiens du foyer et les esprits des ancêtres qui veillaient sur la destinée de la maison et de la famille.

 

Liste des promenades dans Rome. et Liste des articles sur le rione de Pigna

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