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Notes d'Itinérances
11 juin 2021

Toscane - Révolutions florentines (9/16). Façade de Santa Maria Novella.

 L’harmonie et les rapports mathématiques des différents éléments du monument

 

 

Santa Maria Novella est historiquement la première des grandes basiliques florentines. Son nom « Novella » (nouvelle) provient du fait qu'elle a remplacé un oratoire du IXe siècle, Santa Maria delle Vigne. En 1221, l’église est attribuée aux frères dominicains qui, en 1246, commencèrent la construction de ce qui allait être le siège de l’Ordre dominicain. Débutée grâce à deux moines architectes, elle est achevée en 1360 sous la direction du Frère Iacopo Talenti, auteur également du Cappellone degli Spagnoli (1350-55), du Réfectoire du convent (1353) ainsi que du grand campanile en forme de flèche au style romano-gothique (1330).

 

Commencée en 1350 en  style roman-pisan, la façade de Santa Maria Novella reste inachevée pendant plus d’un siècle [1]. En 1456, Leon Battista Alberti (1404 / 1472) est chargé, par la famille Rucellai, d’agrandir la façade en conservant la partie inférieure, incrustée de marbre, et en sauvegardant les six tombeaux de Florentins célèbres placés en enfeu (encastrés dans le mur). La partie inférieure a donc été laissée presque intacte en transformant toutefois l’ouverture centrale sous la forme d’un arc de triomphe avec colonnes à chapiteaux corinthiens. 

 

Sur le niveau antérieur, il superpose un décor Renaissance (1458 / 1470) qui s’intègre harmonieusement car il reprend des motifs traditionnels du Roman-pisan avec des jeux géométriques de marbres blanc et vert. Une large bande horizontale, ornée d’incrustations carrées, sépare et relie les deux niveaux de la façade. Elle permet d’augmenter la hauteur de la partie basse de la façade et constitue une fondation linéaire et homogène pour la structure centrale, en forme de petit temple romain, avec ses colonnes dessinées d’alternances de marbres blanc et vert, et son tympan triangulaire en fort relief décoré, en son centre, de l’emblème de la famille Rucellai. L’espacement entre les colonnes a dû prendre en compte la préexistence d'un grand oculus qui devient une entrée symbolique dans le temple. De chaque côté de cette figure architecturale, sont érigées des formes triangulaires, adoucies par des courbes et décorées d’une rosace de marbres colorés, ayant une fonction de liaison avec la partie inférieure et masquant la différence de hauteur entre la nef centrale et les latéraux considérablement plus bas. C’est la première fois qu’est utilisé ce motif architectural qui sera ensuite repris sous la forme de volutes, notamment dans le style baroque.

 

Dans chacune de ses réalisations, Alberti tentera d’appliquer ses théories. Il met ici en application un principe esthétique selon lequel l’harmonie doit se fonder sur des rapports mathématiques entre les différents éléments du monument, l’édifice étant comme un tout dont chaque élément est solidaire. Par exemple, la largeur de la façade est égale à sa hauteur en s’inscrivant dans un carré, la hauteur du portail est une fois et demie sa largeur, la partie médiane supérieure s'inscrit elle-même dans un carré, qui correspond au quart du carré d'ensemble, les volutes s'inscrivent dans un carré qui correspond au quart du carré de la partie médiane supérieure. Néanmoins, compte-tenu de la préexistence du niveau inférieur, les éléments architecturaux de la façade présentent quelques asymétries. Peut-être programmés par Alberti pour masquer le décalage entre les éléments verticaux de la partie supérieure et inférieure ? C’est ainsi que les décorations de la grande bande horizontale ne sont pas totalement en correspondance avec les décorations de la partie inférieure.

 

Les artistes de la première Renaissance joignent généralement à leurs travaux des écrits qui fondent leur art. C’est le cas de Leon Battista Alberti, philosophe, lettré, mathématicien, théoricien de l’art et architecte. « De re ædificatoria » (L'Art d'édifier), achevé pour l'essentiel en 1452, est le premier traité qui théorise l'architecture depuis celui de Vitruve (« De Architectura », 27 av. J.-C) ! Dans son texte, Alberti explique qu'il ne veut pas que l'ouvrage soit illustré pour conserver au traité sa dimension intemporelle, valable pour tous les lieux et toutes les époques, et pour donner au lecteur les moyens de réfléchir et non lui imposer une solution toute faite. Alberti exige du lecteur un travail qui lui fasse comprendre le fonctionnement de l'architecture et non l'application de modèles [2]

 

Les écrits d’Alberti soulignent que la société est désormais capable de théoriser ses pratiques architecturales et de diffuser largement par l’écrit ses connaissances abstraites.

 


[1] Site BookWiki. « Basilique de Santa Maria Novella ».

[2] Michel Paoli. « Leon Battista Alberti ». 2007

 

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