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Notes d'Itinérances
7 décembre 2022

Romaines ! (15/25). Zinaïda Alexandrovna Volkonskaïa (1789 / 1862).

Rione Esquilino / Via Ludovico di Savoia

 

 

Quand Rome est intégrée au royaume d’Italie, en 1870, la zone de l’Esquilin, au sud-est de la ville, était encore un vaste espace composé de parcs, de jardins, de maisonnettes de campagne, de vignes. Cette zone comprenait de très grandes propriétés appartenant à la noblesse romaine qui y possédaient des villas où elle venait passer les chaudes heures d’été hors de la touffeur du centre-ville. Compte-tenu de la présence des voies de chemin de fer en bordure nord du quartier, dans le document de planification urbaine de 1873 la zone est destinée à accueillir des logements pour les fonctionnaires venant des autres régions italiennes et appelés à participer à la construction du jeune État italien et de sa nouvelle capitale, ainsi que pour des commerçants et artisans exerçant leurs activités dans un quartier à vocation résidentielle et commerciale. La planification de son développement se fait sur le modèle piémontais avec plan régulier, organisé autour d’avenues et de rues conduisant vers des pôles tels que Sant Giovanni in Laterano, la Porta Maggiore, la place Vittorio Emanuele II et Santa Maria Maggiore [1].

 

Au sein du rione, un vaste domaine échappe néanmoins à cette organisation rigoureuse, celui de la villa Wolkonsky acheté en 1830 à des membres de la famille Massimo par la princesse russe Zinaïda Alexandrovna Volkonskaïa. Née en 1792, à Dresde, elle était la fille du prince Alexandre Mikhaïlovitch Belosselsky-Belozersky et de son épouse, née princesse Varvara Iakovlevna Tatichtcheva ! En 1811, elle épouse un aide de camp du tsar Alexandre Ier, le prince Nikita Grigorievitch Volkonsky. Elle vit souvent à l’étranger, étudie l'histoire ancienne, l'archéologie et l'ethnographie de la Russie et devient membre de la société d'histoire et des antiquités russes en 1825. Amie de décembristes, une vaste conjuration militaire pour l’obtention d’une constitution en Russie, elle s'attire la froideur de l'empereur et part pour Rome en 1829. 

 

Zinaïda Volkonskaïa charge l’architecte Giovanni Azzuri de concevoir une petite maison dans son domaine de l’Esquilin pour se retirer, en été, de ses appartements romains situés dans le palais Poli sur lequel est adossée la fontaine de Trevi laquelle était aussi très fréquentée à l’époque mais par les couches populaires de Rome qui venaient y puiser de l’eau. Azzuri a construit, au milieu des arches de l’aqueduc de Néron, « una piccola cassetta, davanti alla quale allestì un bellissimo giardino decorato da un milione di rose » [2]. Zinaïda Volkonskaïa a créé un grand jardin romantique, agrémenté des trente-six arches de l’aqueduc et décoré d’antiquités romaines, avec des perspectives et des surprises alors à la mode. Elle y invitait les artistes du monde musical, littéraire et artistique d'Europe des années 1840, Donizetti, Stendhal ou Walter Scott… Nicolas Gogol a écrit une grande partie des « Âmes mortes » à la villa. Zinaïda Alexandrovna Volkonskaïa était aussi une écrivaine de nouvelles et de poèmes, en langue russe ou en langue française [3].

 

C’est dans son jardin que fut érigée, en 1837, la première stèle à la mémoire de Pouchkine, mort en duel le 29 janvier 1837. Elle meurt en 1862. Ses successeurs semblent avoir profité de la spéculation immobilière effrénée qui a suivi la nomination de Rome comme capitale du nouveau royaume en 1870, pour vendre une partie de la propriété et, avec le produit de la vente, se construire, en 1890, une grande et fastueuse villa sur le terrain restant [4]. La villa fut achetée par le gouvernement allemand en 1920 pour servir de résidence à l’ambassadeur. En 1945, les biens du Reich sont confisqués et la villa est mise à disposition de la Grande-Bretagne par l’Italie. Achetée par la Grande-Bretagne en 1951, elle est aujourd’hui utilisée comme résidence par l’ambassadeur. Le jardin a été totalement rénové en 2011 en respectant sa conception d’origine.

 


[1] Stella Volpe. « L’Esquilin, un quartier central de Rome objet d’un programme de réhabilitation urbaine (1990-2015). Un cas de gentrification en trompe-l’œil ? ». In « Les cahiers d’Études sur le Monde Arabe et la Méditerranée ». 2019.

[2] Olga Averina. « Roma in ogni stagione ».2017.

[3] Alessandra Tosi. « Zinaïda Aleksandrovna Volkonskaia ». In Murielle Lucie-Clément. « Écrivains franco-russe ». 2008.

[4] John Shepherd. « The Villa Wolkonsky – What’s in a Name? ». In « Rivista 2014-2015 ».

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