Romaines ! (18/25). Giuditta Tavani Arquati (1830 / 1867).

Rione Trastevere / Via della Lungaretta

Au XIXe siècle, le Trastevere était un des quartiers les plus misérables de Rome, concentrant tout à la fois les activités productives, réparation navale, quais de déchargement, moulins flottants, tanneries, comme les institutions d’assistance et de réclusion, hospices, maisons de soins, centres pénitentiaires. Ses berges, non maçonnées, comprenaient des lieux de déchargement des navires, des activités liées à l’entretien des bateaux, mais aussi des maisons branlantes de pêcheurs. Tout le quartier étant inondé lors des crues du fleuve. Les Transtévérins ont longtemps été considérés comme une population à part, plus pauvre, plus indocile, plus impétueuse, plus violente, mais les habitants se réclamaient, eux, comme étant les seuls vrais descendants des Romains de l’antiquité !

La via della Lungaretta part de la piazza in Piscinula ; elle traverse une partie du Trastevere et conduit à l’église Santa Maria in Trastevere. Rectiligne et étroite, elle est bordée de maisons anciennes et attire désormais les touristes en foule dense. En face de la boutique d’un excellent glacier, une plaque et parfois une couronne sur la façade d‘une maison, le n°96 de la via della Lungaretta, rappellent le sacrifice de patriotes romains, les 24 et 25 octobre 1867, lors de la dernière tentative d’insurrection garibaldienne pour tenter de libérer Rome de l’emprise papale et d’unifier la totalité de la péninsule au sein du seul royaume d’Italie [1].

A la veille d’une bataille décisive des Garibaldiens pour l’annexion de Rome et afin de préparer une insurrection populaire dans la ville, deux patriotes italiens placent une mine sous le palais Serristori, situé dans le Borgo, près du Vatican, lequel sert de caserne. La mine explose le 22 octobre 1867, détruisant une aile entière du bâtiment et tuant 23 zouaves pontificaux, une troupe de volontaires internationaux sous la conduite du Général Lamoricière. Le 23 octobre, d’autres insurgés romains se regroupent à la villa Glori, au nord de Rome, au confluent du Tibre et de l’Aniene, mais sont finalement dispersés par les policiers suisses de l’armée pontificale. Le matin du 25 octobre, une quarantaine de patriotes se rassemblent au siège du moulin à laine de Giulio Ajani, au n°97 de la via della Lungaretta, pour décider d’actions afin de préparer une insurrection contre le gouvernement de Pie IX Peretti. Ils possèdent un arsenal de fusils et de munitions. Mais, les zouaves pontificaux sont informés qu’ils sont installés dans l’usine Ajani et, vers midi et demie, ils donnent l’assaut. En peu de temps les troupes papales prennent le dessus et pénètrent dans le bâtiment. Quelques patriotes réussissent à s'échapper, d'autres sont capturés, mais neuf personnes ont été tuées dans l’assaut, dont Giuditta Tavani Arquati, enceinte du quatrième enfant de son mari, et leur jeune fils de douze ans. L’insurrection de Rome n’aura finalement pas lieu.

Giuditta Tavani est née le 30 avril 1830 à Rome sur l'île du Tibre. Son père, un patriote de la première République romaine de 1798 / 1799, avait été emprisonné pour cette raison dans les prisons papales. Giuditta se marie à l’âge de quatorze ans, le 22 juillet 1844, dans la paroisse transtévérine de San Crisogono, avec Francesco Arquati. Les deux époux participent ensemble à la défense de la République romaine de 1849 contre les troupes françaises envoyées par le Prince-Président de la seconde république, Louis-Napoléon Bonaparte. Après la fin de la République romaine, en juillet 1849, les époux suivent Garibaldi vers Venise pour défendre la République de Saint-Marc contre les armées Autrichiennes. Ils se réfugient ensuite en Romagne, puis dans les environs de Rome à Subiaco. En 1865, ils retournent secrètement à Rome pour organiser la libération de la ville mais Giuditta Taviani et son fils meurent dans l’assaut de l’usine Ajani. 

Garibaldi, après avoir attendu que l'insurrection éclate à Rome, décide fin octobre de se retirer à Tivoli pour dissoudre la Légion des Volontaires dont beaucoup ont déserté suite à la proclamation du roi Vittorio Emanuele II qui, le 27 octobre, a désapprouvé l'action de Garibaldi. Le 30 octobre 1867, les armées impériales françaises débarquent à Civitavecchia pour venir secourir le pape. Les troupes garibaldiennes subissent une défaite lors de la bataille de Mentana, le 3 novembre 1867.

En 1941, les corps des patriotes romains ont été transférés à l'ossuaire Garibaldino, du Janicule, qui rassemble les morts de la République romaine et de l'Unification de l'Italie en 1849, 1867 et 1870.

[1] Giorgio Giannini. « L’uccisione della patriota romana Giuditta Tavani Arquati e la fallita insurrezione di Roma ». In « L’Incontro ». 25/10/2020.

Liste des promenades dans Rome par thèmes et Liste des articles sur les Romaines

Télécharger le document intégral