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Notes d'Itinérances
27 septembre 2023

Testaccio - Un quartier-village (4/9). Le mont Testaccio, la huitième colline de Rome.

Une colline d'emballages perdus - Une zone festive

 

 

A proximité du cimetière acatholique est située la « huitième » colline de Rome : une colline d’emballages perdus de la Rome antique ! De plus d’un kilomètre de pourtour, elle se hisse bravement à plus de 50 m au-dessus du sol naturel et se couvre d’une végétation arbustive (photo) [1]. Pour éviter les glissements de terrain et éviter que les débris des amphores qui servaient au transport des liquides ne prennent trop de place, ils étaient soigneusement empilés démontrant une utilisation organisée de la décharge. Une rampe, puis deux petites routes étaient aménagées pour gravir la colline avec des charrettes.

 

Au pied de la colline, Via Nicola Zabaglia est située la fontaine del Boccale, érigée en 1931 par l'architecte Raffaele de Vico : dans un bassin circulaire l’eau coule d’une grande cruche de marbre de Vicence de couleur rouge corail. 

 

« L'Emporium », créé au IIe siècle av J.C, était un quai long de 500 m, en gradins et rampes de descente vers le fleuve pour assurer le déchargement des marchandises. La plupart de ces marchandises provenaient d’Espagne et d’Afrique, traversant la méditerranée jusqu’à Ostie d’où elles remontaient le fleuve jusqu’à Rome. Les études sur les fragments d’amphores ont montré qu’ils provenaient en très grande majorité d’un unique type d'amphore, plutôt sphérique. Sur les fragments peuvent être identifiés des traces de chaux laquelle servait à stopper la décomposition de l’huile restante. Les amphores portaient une marque de fabrique, certaines le nom de l’exportateur avec les marques de contrôle au départ et à l’arrivée de la marchandise. Ces amphores provenaient de la province de Bétique (grosso modo l’Andalousie actuelle) mais surtout d’Afrique du Nord (Tunisie et Lybie actuelles), et contenaient toutes de l’huile d’olive [2]. Elles sont datées de 140 jusqu’au IIIe siècle. Les amphores ne pouvaient pas être réutilisées car l’argile avait absorbé l’huile qu’elles contenaient. Une étude, prenant en compte l'érosion de la montagne et l'enlèvement de matériaux utilisés par le passé pour la construction, a estimé à plus de 53 millions le nombre d’amphores accumulées pour former la colline artificielle. Dans l’antiquité la hauteur de la colline aurait été de plus de 80 m.

 

Au Moyen-âge, la zone du Testaccio, alors non habitée, était utilisée pour des jeux, des courses, des tournois ou des batailles qui se déroulaient aux pieds de la colline. Au XIIe siècle, un Carnaval y était organisé, le dernier dimanche avant la Carême. Enfin, les fêtes d’octobre, « Ottobrate », ont également été organisées au Testaccio jusque dans la première décennie du XXe siècle. La population sortait de Rome, dans ses plus beaux atours, pour se rendre dans les vignobles, pour y manger et boire et participer à des jeux. Au XVIIe siècle, deux entrepreneurs ont acheté des terrains autour de la colline pour y ouvrir des « grottini », de longues grottes creusées dans la colline, destinées à des tavernes, qui profitaient de la fraîcheur de la masse de terre cuite pour conserver vins et denrées. Des restaurants, mais surtout des discothèques et des bars nocturnes, entourent toujours le Mont Testaccio constituant ainsi une postérité des bacchanales romaines. Lors du siège de Rome de 1849 par la République française, alors sous la présidence du prince Louis Napoléon Bonaparte, contre la République romaine et visant à rétablir la puissance temporelle du pape Pie IX Feretti (1846 / 1878) après sa fuite, les armées françaises établirent une batterie de canons sur la colline.

 

Le lieu, un peu déglingue, peu entretenu, est une de ces zones à la marge de la grande ville. Ce qui n’est pas non plus sans charme. Rome, même dans une toilette négligée, reste persuadée qu’elle est toujours la plus belle ville du monde. Miroir, mon beau miroir…

 

« Le Romain, parce qu’il est né et a été élevé au milieu de ruines malmenées par les siècles, ne prend jamais rien durablement au sérieux » [3].

 


[1] Sovrintendenza Capitolina ai Bienni Culturali. « Il Monte Testaccio ». 

[2] Victor Revilla Calvo. « Les amphores africaines du IIe et IIIe siècles du Monte Testaccio (Rome) ». In « In Africa et in Hispania : Études sur l’huile africaine ». 2007.

[3] Marco Lodoli. « Nouvelles îles – Guide vagabond de Rome ». 2014.

 

Liste des promenades dans Rome et liste des articles sur Testaccio

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