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Notes d'Itinérances
29 septembre 2023

Testaccio - Un quartier-village (5/9). La fête des Saturnales et le carnaval au Testaccio.

L’inversion momentanée des hiérarchies sociales – Un temps de défoulement contre la rigueur des règles

 

 

Dès le Xe siècle, des fêtes étaient organisées autour du Monte Testaccio, en faisant revivre la tradition antique des fêtes des Saturnales. Les Saturnales se déroulaient pendant la semaine du solstice d'hiver (du 17 au 23 décembre) et célébraient le dieu Saturne et étaient accompagnées de réjouissances populaires. Ces fêtes apparaissent comme un défoulement ordonné, destiné à libérer, pendant un temps déterminé, les règles de vie en vigueur tout au long de l’année qui s’achèvevait, juste avant l’allongement des jours. La société admettait un moment, bien déterminé en durée comme en extension des droits, pendant lequel on se libèrait de la rigueur habituelle de la vie [1].

 

Durant les Saturnales, l'ordre hiérarchique de la société et son organisation étaient inversés de façon parodique et provisoire : l'autorité des maîtres sur les esclaves était suspendue, ceux-ci pouvaient agir sans contrainte, critiquer leurs maîtres, se faire servir par eux, les tribunaux et les écoles étaient fermés, les exécutions interdites, le travail cessait. De somptueux repas étaient offerts.

 

Les Saturnales furent abolies avec l’officialisation de la religion chrétienne dans l’Empire en 380. L’édit de Constantinople de 392 qui fait de la religion chrétienne la religion de l’Empire, interdit toutes autres manifestations religieuses, décrétées cérémonies diaboliques et donc passibles de sanctions élevées. Mais face au besoin de défoulement, de transgression, les Saturnales furent remplacées par la fête des Innocents qui dévia en « fête des fous » au cours du Moyen Age, accompagnée d’actes de permissivité, d’extravagance, de remise en cause de l’ordre public reprenant ainsi la thématique des Saturnales, puis par des parodies burlesques avant le Carême qui ouvre une période d’austérité. Le nom de Carnaval provient de l’expression Carne Levare (enlever la viande). Le jour du Carnaval étant le dernier où l’on mangeait gras avant de rentrer dans la période du Carême. Le Ludus Carnevalarii (Jeu du Carnaval) avait lieu au Testaccio, hors la ville, dans une zone encore agricole et rurale. Dès 1143, le pape Célestin II (1124 / 1144) se rendait à Testaccio à cheval, accompagné du préfet et des chevaliers de la ville, pour y célébrer une cérémonie religieuse propitiatoire. Les familles nobles de la ville y participaient en organisant des duels, des courses de chevaux. Des chasses aux taureaux ou aux sangliers avaient lieu par des cavaliers ou des fantassins. Mais il était aussi organisé des lancés de charrettes chargées de porc du haut du mont ! Le peuple s’y pressait en grand nombre, non seulement pour le spectacle, mais parce que c'était aussi l’occasion de pouvoir manger de la viande suite aux chasses et abattages d’animaux.

 

À la demande du pape Paul II Barbo (1464 / 1471), les célébrations du carnaval sont déplacées sur l’actuelle via del Corso et, à partir du milieu du XVIe siècle, le Testaccio ne fait plus partie du Carnaval. Le Carnaval restera très populaire dans Rome jusqu’à la fin du XIXe où il sera aboli par suite des nombreux accidents lors de la course des chevaux barbes.

 

« Pendant 8 jours, le Corso offre le spectacle le plus divertissant et le plus animé que l’imagination puisse concevoir » [2].

 

Le carnaval renait sous d’autres formes aujourd’hui. C’est l’occasion de déguster des desserts typiques romains [3]. Ce sont souvent pâtisseries frites qui, comme la viande, étaient l’occasion de manger gras une dernière fois avant le carême : les castagnole alla romana dont la forme rappelle les châtaignes (d’où leur nom), faites à base d’une pâte molle peuvent être mangées frites avec du sucre ou bien fourrées de chocolat, de crème ou de ricotta, comme les bocconotti di ricotta, autre délice du carnaval. A découvrir également, les frappe, petits beignets triangulaires saupoudrés de sucre glace.

 


[1] Claude-Gilbert Dubois. « Mythes, fêtes et rites de la déraison dans la Rome antique. Une archéologie du sens : sens perdu, sens recouvert, sens découvert, sens retrouvé ». 2012.

[2] Goethe. « Voyage en Italie ». 1816. Voir le récit du carnaval fait par Goethe dans « Le carnaval romain » (1789) et par Alexandre Dumas dans « Le Comte de Monte-Cristo » (1844 / 1846).

Voir La traversée de Rome par le Corso (24/26). Le carnaval sur le Corso.

[3] Thomas Biyong. « Carnaval à Rome 2023 : le programme d’une fête historique ». Le Petitjournal.com. 16/02/2023

 

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