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Notes d'Itinérances
12 juillet 2013

Rome baroque (3/21). La chapelle Cornaro et la "Transverbération" de Sainte-Thérèse !

Une extase ambiguë – Une représentation théâtrale

 

 

Après être retourné à Termini, dirigeons-nous vers la piazza de la Repubblica, une place semi-circulaire à l’architecture lourde et massive comme l’aimaient les bourgeoisies nationales à la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, le côté solennel de la place est contrebalancé par un rassemblement des personnels des services publics de la municipalité dans un joyeux mélange de bannières rouges de la CGIL avec celles, à bandes vertes et blanches, de la CISL. Les manifestants arrivent peu à peu et forment des petits groupes qui battent le pavé dans ce début de matinée un peu frais. Notre objectif est l’église Santa Maria della Vittoria, en montant doucement sur l’une des sept collines de Rome, la colline du Quirinal. C’est une œuvre de Carlo Maderno (1556 / 1629). Sa façade, construite entre 1624 et 1626, soit en même temps que Santa Bibiana, en est néanmoins profondément différente : les lignes verticales (pilastres) sont peu marquées à contrario des lignes horizontales (corniches). Surtout, apparaissent des lignes courbes (volutes, niches, frontons) qui viennent donner du rythme à la façade. 

 

L’église Santa Maria della Vittoria (Sainte Marie de la Victoire !) est dédiée à la victoire de la Montagne Blanche [1]. C’est une église modestement baroque mais néanmoins avec tout ce qu’il faut de marbres colorés, sculptures, dorures et vaines fioritures pour ne pas impressionner un Français, s’il n’y avait la chapelle Cornaro, œuvre du Bernin, dans la branche gauche du transept. Elle est occupée, par la statue (1647 / 1652) [2] de la « Transverbération » [3] de sainte Thérèse d’Avila. La sainte est représentée semi-allongée, en extase sous les coups de dard d’un ange qui la domine et qui sourit avec une grâce qui se teinte tout à la fois de compassion et d’ironie. 

 

« Sainte Thérèse est représentée dans l’extase de l’amour divin ; c’est l’expression la plus vive et la plus naturelle. (…) Quel art divin ! Quelle volupté ! » [4].

 

L’extase de la sainte, jeune et belle, est rendue de façon très charnelle. Aussi, les esprits cartésiens et moqueurs ne manquent-ils pas de souligner le côté très sensuel, voire érotique, de la scène. Dominique Fernandez parle de « jubilation amoureuse » quand le Président De Brosses aurait signifié plus crûment que cette extase lui rappelait davantage des souvenirs d’alcôves !

 

« C’est une expression merveilleuse, mais franchement beaucoup trop vive pour une église. Si c’est ici l’amour divin, je le connais ; on en voit ici-bas maintes copies d’après nature » [5].

 

On ne peut pas tout à fait leur donner tort tant le côté théâtral de la scène est accentué. 

 

La sainte est baignée d’une lumière zénithale douce, dont la source est dissimulée, et qui rayonne de façon laiteuse sur un fond d’albâtre enrichi de petits nuages de stuc. La statue est placée dans un encadrement de colonnes sombres comme celles qui encadrent le plateau d’une scène de théâtre. L’effet est encore accentué par la présence de niches sur les murs latéraux, niches en forme de balcons et dans lesquelles sont représentés les membres de la famille Cornaro. Ces personnages se penchent pour mieux voir la sainte en extase, apprécient la scène, se retournent vers leur voisin pour en discuter. C’est bien d’un théâtre miniature qu’il s’agit, un théâtre sur la scène duquel se joue la représentation de la béatitude de la sainte. Par-delà l’effet théâtral et outre la maîtrise remarquable du travail du marbre, la statue est exceptionnelle par l’ampleur de ses mouvements, accentués par le jeu des ombres et des lumières sur les parties lisses (visages, torse de l’ange) et l’agencement savant des plis de la robe. Avec cette statue, on mesure le chemin parcouru par Le Bernin depuis la réalisation de Santa Bibiana, vingt ans plus tôt, dans l’expression du mouvement, la reproduction de la vie mais aussi dans l’expression de la théâtralité de la scène.

 


[1] Roanchurches. Santa Maria della Vittoria.

[2] Les dates des œuvres de Bernini et Borromini variant d’un ouvrage à un autre, les dates retenues sont celles du livre « Rome, où trouver Michel-Ange, Raphaël, Le Caravage, Le Bernin, Borromini ? ». 2001.

[3] La transverbération est un phénomène mystique qui désigne le transpercement spirituel du cœur par un trait divin enflammé.

[4] Stendhal. « Promenades dans Rome ». 1829.

[5] Président De Brosses. « Lettres d’Italie ». 1740.

Liste des promenades dans Rome et liste des promenades dans la Rome baroque

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