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Notes d'Itinérances
18 janvier 2014

Angkor (8/27). L’ascension vers le prasat central.

Les différentes enceintes - Le temple montagne

 

 

La galerie la plus basse (troisième enceinte) du monument central est ouverte sur l'extérieur et est soutenue par de massifs piliers rectangulaires. Le mur intérieur est couvert de bas-reliefs extrêmement fins sur l'ensemble du pourtour du monument, soit sur cinq cents mètres et sur deux mètres de hauteur ! Ils représentent des scènes du Mâhâbarata et du Râmâyana, notamment des scènes de bataille avec d'immenses défilés de fantassins, d'éléphants, de chars tirés par des chevaux. La scène du jugement des morts est très proche de nos scènes du jugement dernier : Yama, le juge suprême, désigne à ses assesseurs, Dharma et Citragupta, ceux qui sont désignés aux trente-deux enfers ou aux trente-sept cieux. Les cieux semblent assez « monotones », les élus y mènent une vie toute de loisirs dans de magnifiques palais. Les supplices des damnés sont beaucoup plus variés, comme dans les fresques de la cathédrale d'Albi, par exemple, os brisés, corps sciés en deux, tête lardée de clous. Petit avantage, dans la religion hindoue, la damnation n'est pas éternelle et les supplices ne durent donc qu'un temps ! Ouf.

 

Dans la représentation du « barattage de la mer de lait », le serpent nâga « Vasûki » est solidement empoigné, du côté de la tête, par les dieux et, du côté de la queue, par les démons qui leur font face. Au centre, le mont Méru reposant sur une tortue, une des formes de Vishnu, sert de pivot. Le barattage de la mer de lait permettra, au bout de mille années, d'obtenir l'amrita, la liqueur d'immortalité, mais auparavant, apparaîtront l'éléphant blanc, les Apsaras [1], Lakshmi, la déesse de la beauté, et des centaines d'êtres divers. Sur les deux mètres de hauteur du bas-relief court, au milieu, le corps du serpent et les quatre-vingt-douze dieux et quatre-vingt-huit démons qui s'opposent dans une grande symétrie. Les pèlerins avaient accès à cette terrasse ouverte et tournaient autour du monument en tenant le monument à leur gauche.

 

Une cour étroite sépare la troisième enceinte de la seconde au soubassement massif. On accède à cette seconde enceinte par un escalier aux marches trop courtes pour y poser le pied en entier, mais à la contremarche extrêmement élevée. La galerie de la seconde enceinte est fermée, dépourvue de fenêtres sur l'extérieur, car seuls accédaient ici les prêtres pour se retirer du monde et se livrer à la méditation. Le mur externe des galeries présente de magnifiques bas-reliefs de Devatâs [2], seules, ou par groupes de deux ou trois, aux coiffures et parures variées, quoique toujours très semblables, tiare sur la tête ou coiffure complexe faite de plusieurs petits chignons et nattes, poitrine nue, et jupe longue, fine et plissée. On compte au total plus de mille cinq cents Devatâs dans l'ensemble du temple d'Angkor Vat, toutes différentes : l'une sourit en montrant ses dents, l'autre se coiffe en se regardant dans un miroir, deux autres se tiennent par l'épaule. Les galeries sont ouvertes sur la cour intérieure par des fenêtres à balustres de pierre sculptées au tour.

 

Un dernier escalier, avec un angle de 70° environ, et deux fois plus haut, permet d'accéder à la première enceinte et à la tour centrale. La tour centrale est reliée par des portiques à chacune des faces de la galerie de la première enceinte, selon les axes des points cardinaux, dessinant un préau cruciforme autour de la tour et délimitant quatre petites cours. Seuls le grand prêtre et le roi avaient accès au prasat central, demeure du dieu. La minuscule cella, très sombre, abrite aujourd'hui une statue de Bouddha qui a remplacé une représentation de Vishnu. « Cet étage est ouvert aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, car ceux qui y accèdent sont dépouillés de tout et libérés des tentations du monde » [3]. Du haut du dernier étage, on prend alors seulement conscience de l'organisation du temple, car dans cette montée vers la tour centrale, on a eu l'impression de passer successivement de galeries en cours, de gopuras en escaliers, de portiques en prasats, sans arriver à se situer dans une structure d'ensemble compliquée par l'ajout de préaux en croix au long du parcours.

 

« Et le jaillissement de cet édifice nous engage à dépasser l'horizon des hommes (...) pour adopter ce point de vue que l'on découvre du haut des airs. Car c'est bien ainsi que le temple khmer doit être contemplé. C'est pour "ceux d'en haut" qu'il fut édifié »[4].

 


[1] Apsaras : Danseuses sacrées.

[2] Devatâ : Divinité féminine, servantes dans le paradis d'Indra, roi des dieux et Seigneur du Ciel.

[3] Henri Stierlin. « Angkor ». 1970.

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