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Notes d'Itinérances
23 janvier 2014

Angkor (18/27). Les tours de Prasat Kravan.

Des temples en briques à appareillage de grès - Dédiés à Vishnu et Shiva

 

 

Ce sont cinq petits temples de briques, parmi les plus anciens de la zone d'Angkor car édifiés en 921. Cinq tours en forme de pyramide, alignées, mais dont il manque le plus souvent les étages supérieurs malgré la restauration effectuée au début du XXe siècle. Comme les temples de cette époque, les prasats ne sont pas maçonnés en pierre, mais en briques de couleur jaune clair, aux reflets rosés, et parés de blocs de grès. Les Khmers, comme les Chams, ne connaissant pas le principe de la voûte à claveaux, ils posaient également les briques en encorbellement.

 

La petite porte est en appareillage de grès, le linteau est taillé dans une pierre monolithe sculptée de motifs floraux exubérants ressemblant assez à ceux utilisés dans la période « classique » française, les montants sont sculptés en forme de colonnettes à huit pans.

 

A l'intérieur, une minuscule chambre où le linga, pierre cylindrique dressée, symbole de Shiva et représentation phallique, est enfoncé au centre d'une cuve carrée pour les ablutions, mais aussi symbole de l'organe sexuel féminin. Sur les murs, la brique est creusée en surface et sculptée de manière à dégager la silhouette de Vishnu dont les quatre bras exhibent les attributs de la divinité, le disque, la boule ou la fleur de lotus, la conque et la massue. En face, un Vishnu à huit bras est emporté par deux Garudas aux ailes déployées.

 

Des bas-reliefs représentant Lakshmi, l’épouse de Vishnu, ornent la tour la plus septentrionale. Lakshmi est la déesse de la fortune, de l'abondance et de la beauté. Lorsque les Dieux baratèrent la mer de lait, elle sortit des eaux un lotus à la main, c’est pourquoi elle est souvent représentée assise sur un lotus flottant sur la mer de lait. Comme la déesse Athéna des Grecs qui est associée à la Chouette, sa monture est également cet animal. Elle possède aussi plusieurs avatars dont les plus célèbres sont Sîta, la charmante, héroïne du Râmâyana [1] et Draupadi héroïne du Mâhâbarata [2].

 

Dans le sanctuaire central du Prasat Kravan cohabitent donc Vishnu et Shiva. C’est que, dans la pensée hindouiste, il n’y a pas exclusion des contraires, bien et mal, bons et méchants.

 

Dans l’immensité non différenciée, la première tendance, le premier mouvement apparaît. Il implique trois éléments : deux forces contraires, l’une centripète, l’autre centrifuge, et leur résultante. L’action centripète crée la cohésion, une concentration d’énergie, elle est source de lumière et de vie. L’action centrifuge tend à la dispersion, à la dissolution dans l’immensité, à l’obscurité, elle représente la libération de ce qui lie. L’équilibre des forces centripètes et centrifuges, de la cohésion et de la dispersion, de la lumière et de l’obscurité, donne naissance à la tendance à l’orbitassion. La tendance centripète est représentée par Vishnu, le Préservateur de l’Univers, la tendance centrifuge par Shiva, le Seigneur du Sommeil, la tendance orbitaire par Brahmâ, l’Etre Immense qui construit l’Univers.

 

Les trois formes de l’être, l’existence, l’expérience et la conscience se réalisent dans les trois états de veille, de rêve et de sommeil profond. Dans l’état de veille, nous réalisons l’expérience de l’existence, il est lié à Brahmâ. Dans celui du rêve, nous réalisons la pensée car l’homme qui rêve recrée le monde, il est lié à Vishnu. Dans le sommeil profond, sans rêve, nous avons la perception de la félicité future et parfaite du non-agir, il est lié à Shiva.

 

Curieusement, du moins pour un esprit européen imprégné de christianisme, bien qu'étant le Créateur de l’Univers et de toutes les créatures vivantes, il n’existe que peu de références à Brahmâ et un seul temple lui serait totalement dédié, à Pushkar, au Rajasthan ! C’est qu’il n’est pas un dieu de la Grâce et du don, on ne peut, en effet, attendre aucune faveur de sa part. Dans les temples khmers, Brahmâ est parfois représenté sous la forme d’un homme d’âge mûr avec pour monture une oie, symbole du savoir. Son épouse est Sarasvatî, déesse de la parole, de l’éloquence, du savoir, patronne des arts plastiques et de la musique. Elle révéla à l’homme la parole et l’écriture.

 


[1] Le Râmâyana est une épopée mythologique indienne, écrite en sanskrit, composées entre le IIIe siècle avant JC et le IIIe siècle après. Elle est constituée de sept livres et de 24 000 vers.

[2] Le Mâhâbarata est l’autre grande épopée mythologique indienne, composée entre le IVe siècle avant JC et le IVe après. Elle est considérée comme le plus grand poème jamais composé avec 250 000 vers.

 

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