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Notes d'Itinérances
9 août 2014

Sri Lanka, l'ïle dont on rêve (27/37). Autres méthodes pour gagner de l'argent avec les touristes.

Les méthodes "imaginatives" et ethnoculturelles - Enfin, celles du "capitalisme mondialisé".

 

 

Dernières en date de ces méthodes « imaginatives », les ethnoculturelles. Un paysan reçoit les touristes sous l’auvent de sa petite maison et refait pour vous tous les gestes traditionnels liés à l’exploitation de la noix de coco : comment séparer la noix de ses fibres avec un pieu tranchant fixé dans le sol, comment l’ouvrir d’un coup de machette, comment récupérer l’eau de coco et la pulpe, comment râper la pulpe pour, en la mélangeant à l’eau de coco, en faire un lait, lequel chauffé donnera du miel de coco. Mais ce n’est pas tout ! La fibre peut être séparée, triée, filée, puis tissée en cordelettes pour faire des cordes, des tapis-brosses, les feuilles servent à la couverture des toitures, le bois à la charpente. En pénétrant dans la cuisine de la maison, dont le foyer d’argile sert à chauffer une bouilloire grâce aux résidus de bois de cocotier, la paysanne vous explique comment préparer un curry à partir des quatre épices qu’elle broie sous vos yeux sur sa meule de pierre.

 

« D’une de ces noix un homme reçoit nourriture et boisson. Elles ont, tout d’abord, une coque extérieure sur laquelle sont des fibres qu’on utilise de maintes manières et servent donc à maints usages. Sous cette première écorce est une nourriture dont un homme se nourrit suffisamment. Elle est très savoureuse et douce comme le sucre, blanche comme le lait et faite en forme de coupe comme l’écorce extérieure. Au cœur de cette nourriture  est d’autant d’eau qu’il faut emplir une bouteille, eau claire, fraîche, et d’un goût parfait. On la boit quand on a mangé l’intérieur, et ainsi, d’une noix, un homme se trouve rempli de nourritures et de boisson » [1].

 

Enfin, quatrième cas, les méthodes dites du « capitalisme mondialisé ». Elles sont totalement aseptisées, débarrassées de toute charge émotionnelle et sensible, et uniquement centrées sur la valeur d’échange du produit. Elles s’organisent en deux moments bien séparés tant dans leur chronologie que dans leurs espaces, le premier de visite avec explications, le second de vente. La visite peut être consacrée à un jardin tropical avec ses plantes « exotiques » : café, thé, poivrier, cannelier, cardamome, coriandre, giroflier, cocotier, gingembre, muscade, curcuma. Pour chacune des plantes sont précisées leurs différentes vertus médicinales et curatives et vous avez même droit à un petit massage des cervicales sensé vous soulager et vous apaiser. Si les trois autres membres de la famille s’y sont prêtés avec le plus grand plaisir et en sont ressortis tout ragaillardis, le pauvre masseur qui m’était affecté a dû trouver que j’étais aussi plaisant à masser qu’une bûche de bois pleine de nœuds ! Il a d’ailleurs abandonné très vite.

 

Après cette séance de massage censée décontracter des touristes occidentaux hyperactifs et stressés, l’on vous conduit doucement vers le stand de vente des épices et des différents onguents. Si, dans le premier temps, de visite, vous étiez accompagné d’un guide développant une relation amicale et de confiance, n’hésitant pas à faire tous les bons mots d’usage, celui vous laisse pour le second temps qui est organisé comme une grande surface commerciale avec présentoirs en libre accès et prix affichés. Le touriste occidental se retrouve dans son élément commercial habituel, débarrassé de la pression du vendeur, il peut alors se livrer au plaisir de l’achat sans se poser des questions éthiques, morales et sociales.

 

Même procédé de vente à la fabrique de batiks où vous pouvez visiter les ateliers, ce qui permet de constater tout à la fois l’admirable agilité des ouvrières chargées d’effectuer les dessins, mais aussi les terribles conditions de travail de celles qui teignent les tissus dans des cuves bouillantes de colorants. Après cette plongée dans une fabrique précapitaliste, retour au monde contemporain avec la halle d’exposition, propre, rangée, où sont exposés batiks, dessins, peintures, tentures parmi lesquelles vous déambulez tranquillement, admirant les différentes pièces, touchant, soupesant. Vous faites vos courses sereinement, uniquement préoccupés du rapport qualité/prix, sans avoir à négocier âprement, marchander farouchement et batailler indéfiniment, puis vous passez à la caisse où vous payez le plus simplement du monde en liquide, en carte bleue, en carte American-Express ou tout autre moyen de paiement que vous proposerez.

 


[1] Marco Polo. « Le devisement du monde – le livre des merveilles ». 1298.

 

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