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Notes d'Itinérances
15 mai 2016

Luanda, la perle de l'Afrique (8/26). Au cœur de Luanda, la place Kinaxixi.

Une place aux statues commémoratives changeantes – Immeubles modernes et inachevés

 

 

« J’aimerais m’asseoir
sur un banc du Kinaxixi
à six heures d’un soir très chaud

et rester » [1].

 

La rua da Missao (rue des Missions) qui permet de relier le boulevard du front de mer, la « Marginal », au plateau débouche, en haut, sur une vaste place, le largo Kinaxixi, d’où partent de grandes avenues qui irriguent tout la ville moderne, rua Comandante Valódia dans le prolongement de la rua da Missao (Nord-ouest / Sud-est), et traversée par les rues Gamal Abdel Nasser (au Nord) et Lénine (au Sud). Le nom de la place, autrefois baptisée Leonardo Cerveira lorsqu'elle fut transformée en 1926, proviendrait du Kimbundu et signifierait « danse dans la brousse » [2].

 

La Place a une forme rectangulaire et comporte, en son centre un petit square précédé d’une statue sur un socle élevé. Cela devait permettre à la statue de dominer l’avenida Luis de Camoëns,  désormais rua da Missao, pour accentuer l’effet de grandeur pour les personnes qui montaient la rue. Au début des années 90, un véhicule blindé léger, était posé sur ce socle. C’était une automitrailleuse soviétique (une « BDRM-2 ») qui symbolisait la victoire de Cuito-Cuanavale contre l’UNITA allié à l’envahisseur sud-africain en janvier 1988. Elle avait remplacé le monument aux combattants de la première guerre mondiale, installé par les colonisateurs en 1937, mais retiré de son piédestal en novembre 1975 comme toutes les autres statues posées par les Portugais. En 1994, surprise, l’automitrailleuse a été remplacée par un arbre de Noël illuminé, don de la ville de Lisbonne à celle de Luanda. A dire vrai, le symbole est plus plaisant [3]. Mais le plus amusant, c’est que si les statues changent, les socles restent ! C’est le même soubassement qui sert à la fois aux héroïques combattants portugais de la Grande guerre, au blindé vainqueur à Cuito-Cuanavale et au sapin de Noël.

 

La place est entourée d'une ceinture d'imposants immeubles construits entre 1968 et 1973. A gauche, un bâtiment plus bas, abrite le complexe commercial Kinaxixi. Au fond, à gauche un immeuble est surmonté d’une immense publicité pour la marque de bière « Cuca » et, à droite, un étrange bâtiment attire le regard, une très haute tour dont les façades sont composées de bric et de broc, avec des avancées sans garde-fous, des fenêtres posées au petit bonheur-la-chance et une grue de 120 mètres de hauteur qui le domine, c’est « l’immeuble inachevé ». A l’indépendance, plusieurs immeubles étaient en construction et sont restés inachevés, avec seulement les dalles de béton des étages. Vu la crise du logement à Luanda, ils ont été occupés et transformés en bidonville vertical.

 

« L’immeuble avait déjà des occupants, venus on ne sait d’où. Les premiers étages occupés furent ceux du bas. Comme les murs n’étaient pas achevés, on les compléta avec du carton et du contreplaqué. L’escalier principal n’étant pas terminé, on en improvisa un. Puis, un jour, la lumière parut dans un des appartements, provenant de fils branchés sur un poteau électrique de la rue. C’est ainsi que d’autres sans-abri furent attirés par l’immeuble et que d’autres appartements furent occupés » [4].

 

Bien sûr, dans « l’immeuble inachevé », il n’y a pas d’ascenseur, de réseau électrique, de conduites d’eau et d’évacuation des eaux usées. Imaginez ce que doit être la vie quotidienne au 20e étage !

 

Comme la place de Kinaxixi est le nœud routier le plus important de la ville, il est généralement constamment encombré. Il suffit qu’une conduite d’eau ou d’égouts éclate, lesquelles sont en très mauvais état et explosent régulièrement, et qu’il faille creuser une tranchée dans la chaussée pour les réparer, pour connaître des embouteillages dantesques.

 


[1] Agostino Neto. « Kinaxixi ». In Mario de Andrade, « La poésie africaine d’expression portugaise ». 1969.

[2] Roseline Vignol. « Balade dans Luanda ». 1996.

[3] Le socle risque lui-même de disparaître avec le réaménagement de la place après avoir accueilli, en 2002, une statue de la Reine Nzinga Mbande, symbole de la lutte contre la domination portugaise ! (note de 2015).

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