La traversée de Rome par le Corso (8/26). San Giacomo degli Incurabili et la place Augusto Imperatore - Rione Campo Marzio.

Entre opération immobilière capitaliste et esthétique fasciste du vide !

A gauche, au n°45, l’église Santissimi Nomi di Gesù e Maria in via Lata construite pour les Augustins, avec le couvent attenant, selon un dessin de Carlo Rainaldi de 1633. La façade, simple, comprend une avancée encadrée de quatre pilastres corinthiens qui enserrent un portail à pignon courbe et une fenêtre supérieure encadrée. L’intérieur, avec une voûte en berceau peinte par Giacinto Brandi, dispose d’une nef unique avec trois chapelles de chaque côté et une riche décoration de marbres polychromes et de stucs.

A droite, presque en face de la précédente, l’église de San Giacomo in Augusta ainsi nommée par sa proximité avec le mausolée d’Auguste. Construite au XIVe siècle avec l’hôpital homonyme, elle est reconstruite entre 1598 et 1602 selon le projet de Francesco da Volterra mais exécuté par Carlo Maderno. La façade est à deux ordres ; l’inférieur est divisé par deux paires de pilastres doriques qui encadrent un grand portail central avec un tympan arqué, avec deux autres portails latéraux, plus petits dominés par des fenêtres cadrées. L’ordre supérieur, correspondant à la nef, est encadré par des pilastres composites et comprend une fenêtre centrale dominée par une coquille saint Jacques, le tout surmonté d’un imposant pignon. L’intérieur est à plan elliptique avec une voûte en dôme qui couronne l’ensemble (photo). Tout autour de l’ellipse centrale sont disposées des chapelles rayonnantes. Le grand autel est l’œuvre de Carlo Maderno, érigé avec le marbre du mausolée voisin d’Auguste.

Au n° 493, est situé l’ancien hôpital des Incurables (Ospedale di San Giacomo degli Incurabili), fondé au XIVe siècle par le cardinal Pietro Colonna à proximité du port de Ripetta et de la Porta Flaminia où arrivaient les pèlerins. Il est refondé au XVIe siècle sous ce nom par Léon X Médicis (1513 / 1521) à destination notamment des personnes atteintes de la « maladie gauloise »[1] (le « mal français », autrement dit la vérole ou syphilis !), du fait de sa position alors excentrée par rapport à la ville. L’hôpital est rénové entre 1519 et 1525 sur un projet d’Antonio da Sangallo le jeune (1484 / 1546) et Baldassarre Peruzzi (1481 / 1537). Au XVIe siècle, l’hôpital est divisé en deux sections (femmes et hommes) et possède un cimetière. Au XVIIIe siècle, San Giacomo est rénové une nouvelle fois et devient un hôpital général. En 1815, Pie VII Chiaramonti (1800 / 1823) y établit la nouvelle chaire de chirurgie de l'Université La Sapienza. Au XXe siècle, devenu une structure publique, l'hôpital comprenait le plus grand service d'urgence du centre-ville de Rome [2]. 

Quelques rues plus loin, sur la droite, se situe une plaie béante dans le tissu urbain de Rome : un lieu vide, froid, inhospitalier, l’antithèse de la Rome baroque[3]. En 1932, la pioche de Mussolini frappe ce quartier populaire et animé autour du théâtre de l'Augusteo dans le but de « libérer » le mausolée d’Auguste tout en remodelant le quartier à la mode fasciste, traduction : « en rasant 120 bâtiments du quartier ». L’objectif étant de dégager le mausolée de toutes les constructions alentour et de créer un vaste espace « libre », la place Augusto Imperatore. L'auditorium qui occupait le centre du mausolée résiste jusqu'à sa dernière représentation, en 1936, alors que tout le quartier autour a déjà disparu. Rome sera une ville sans auditorium jusqu’à l’inauguration du Parco della Musica, dans le quartier de Flaminio, en 2002 ! La Piazza Augusto Imperatore sera inaugurée le 23 septembre 1938, à l’occasion du bimillénaire de la naissance impériale. La place, en forme de «C» autour des ruines dépouillées du mausolée d'Auguste, est entourée de bâtiments rectilignes, pompeux et massifs[4] ; elle se voulait représentative des ambitions urbanistiques de son Duce pour sa capitale, mais aussi représentative de la grandeur du nouvel empire qu’Auguste le Petit rêvait alors de reconstituer et qui comprendrait : Nice, la Corse, la Tunisie, la Libye, Malte, l’Égypte, la Somalie ! 

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[1] A la la mort du roi Ferdinand Ier de Naples, en 1494, Charles VIII prend le titre de roi de Naples et de Jérusalem et pénètre en Italie (première guerre d'Italie, 1494 / 1497). Les Français entrent à Rome en décembre, suite à la supériorité de l'artillerie française. Les troupes françaises auraient propagé la syphilis.

[2] L’hôpital a fermé en 2008 suite à une opération financière spéculative. Cf. Next. « San Giacomo : la strana storia dell'ospedale fantasma nel centro di Roma ». 10/02/2017. Aujourd’hui tout semble arrêté (2021)..

[3] Place et mausolée sont en cours d’aménagement dans un projet urbanistique ambitieux qui devrait se terminer en 2024.

[4] Il n’est pas sûr que l’installation d’un hôtel de grand luxe, Bulgari, dans un des bâtiments animera la place.

Liste des promenades dans Rome - liste des articles sur la traversée de Rome par le Corso

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