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Notes d'Itinérances
11 février 2022

Emilie - Romagne (6/28). Ravenne - Un remarquable ensemble de monuments des Ve et Vie siècles.

Les « invasions barbares », un âge sombre ?

 

 

« O révélation du monde intérieur. Au-delà de la pourriture, au-delà du sépulcre, voici le trésor de l’âme, la toison d’or chrétien, le rêve : la couleur. Passé les murs moroses, Ravenne est un prisme dansant une ronde sacrée, d’un mouvement si lent qu’elle semble immobile. Cette nonne enfoncée dans la boue, prie en cachant ses monceaux de pierreries : voluptueuse, extatique, son sourire ambigu a presque le dessin de la souffrance » [1].

 

Capitale de l'Empire romain au Ve siècle, puis de l'Italie byzantine jusqu'au VIIIe siècle, Ravenne possède un ensemble unique de monuments et de mosaïques paléochrétiennes.

 

Huit bâtiments exceptionnels sont construits aux Ve et VIe siècles à Ravenne : le mausolée de Galla Placidia, le baptistère néonnien, la basilique Sant'Apollinare Nuovo, le baptistère des Ariens, la chapelle de l'archevêché, le mausolée de Théodoric, l’église San Vitale, la basilique Sant'Apollinare in Classe. Ils témoignent d’un haut niveau culturel et d'une parfaite maîtrise artistique qui associent la tradition gréco-romaine, l'iconographie chrétienne et des styles d'Orient et d'Occident [2].

 

Mais, les Ve et VIe siècles ne sont-ils pas ceux de la disparition de l’Empire romain par suite des grandes « invasions barbares » ? Ne sont-ils pas généralement imaginés comme un « âge sombre », violent, de pillages, de destructions, de meurtres, de famines ? 

 

Pour y comprendre quelque chose, un petit détour historique s’impose ! 

 

C’est que la réalité historique est plus complexe que la représentation qu’en ont donné les historiens du XIXe siècle. L’historiographie moderne utilise désormais des termes différents comme « migration des peuples ». Il s’agit d’un processus long de migration de différentes populations qui se mélangent et se modifient. Les envahisseurs germains ne pénètrent pas dans l’empire romain d’Occident que par la guerre, l’empire les autorise aussi à s’établir dans certaines zones et il les emploie comme soldats. Il s’effectue ainsi un lent processus de fusion et de transformation d’autant plus que les populations germaines étaient beaucoup moins nombreuses (8 à 10%) que les populations locales. Les « Barbares » [3] maintiennent généralement un grand nombre de lois et traditions romaines, ils se convertissent au christianisme et la langue latine est combinée aux langues germaines et celtes pour donner naissance aux langues romanes.

 

L’histoire de Ravenne dans cette période souligne cet aspect à la fois violent, mais aussi de fusion progressive des règles sociales et des cultures et la transformation vers une nouvelle organisation sociale. Après le sac de Rome de 410 par Alaric, roi des Wisigoths (395 à 410), Honorius empereur romain (384 à 423) fait de Ravenne sa capitale. Sa sœur, Galla Placidia, se marie avec Athaulf, roi de ces même Wisigoths de 411 à 415. Veuve, elle vit à Ravenne et en fait un centre d'art et de culture chrétiens. Le dernier empereur d’Occident, Romulus Augustulus (475 / 476), est déposé par une partie de ses armées composée de barbares, leur chef Odoacre, un Germain, se proclame roi et allié de l’empire romain d’Orient. Théodoric, dit Le Grand, Goth et consul de l’empire romain d’Orient, poursuit Odoacre et le tue de ses propres mains ; il s’installe à Ravenne entre 488 et 526 et est élu roi des Ostrogoths. Ravenne entre alors dans une période de prospérité́ et de puissance. Elle est ensuite reprise par le grand général romain d’Orient, Bélisaire, en 540, et demeure le centre de l'autorité́ byzantine en Italie jusqu'en 752. Ces confusions ethniques et politiques concernent aussi le domaine religieux car, s’ils se convertissent au christianisme, les Goths font généralement référence à l’arianisme, une doctrine christologique non trinitaire, alors que les populations d’origine romaine sont chrétiennes nicéennes [4].

 


[1] André Suarès. « Voyage du Condottiere ». 1932.

[2] UNESCO. « Monuments paléochrétiens de Ravenne ». Liste du patrimoine mondial de l’Humanité. 1996.

[3] Pour les Grecs et les Romains, « barbare » a seulement le sens « d’étranger ».

[4] En 325, au concile de Nicée, l’arianisme est condamné en affirmant l'égale divinité des trois personnes divines, le Père, le Fils et le saint Esprit.

 

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